Arlequin misanthrope
a cura di Anna Sansa
Biblioteca Pregoldoniana
lineadacqua edizioni
2020
Arlequin
misanthrope
a cura di Anna Sansa
Ó 2014 Anna
Sansa
Ó 2014 lineadacqua
edizioni
Biblioteca
Pregoldoniana, nº 5
Collana
diretta da Javier Gutiérrez Carou.
Comitato scientifico: Beatrice Alfonzetti,
Francesco Cotticelli, Andrea Fabiano, Javier Gutiérrez Carou, Simona Morando,
Marzia Pieri, Anna Scannapieco e Piermario Vescovo.
Coordinatori
delle edizioni della Comédie italienne:
Lucie Comparini ed Emanuele De Luca.
www.usc.gal/goldoni
javier.gutierrez.carou@usc.gal
Venezia
- Santiago de Compostela
lineadacqua edizioni
san marco 3717/d
30124 Venezia
www.lineadacqua.com
ISBN dell’edizione completa: 978-88-95598-33-8.
La presente edizione è il risultato delle attività svolte
nell’ambito del progetto di ricerca Archivo del teatro
pregoldoniano (ARPREGO II: FFI2014-53872-P, finanziato dal Ministerio
de Economía y Competitividad spagnolo; e ARPREGO III: Ministerio de Ciencia, Innovación y
Universidades e FEDER: PGC2018-097031-B-I00, 2019-2022). Lettura, stampa e citazione (indicando nome
del curatore, titolo e sito web) con finalità scientifiche sono permesse gratuitamente.
È vietata qualsiasi utilizzo o riproduzione del testo a scopo commerciale (o
con qualsiasi altra finalità differente dalla ricerca e dalla diffusione
culturale) senza l’esplicita autorizzazione della curatrice e del direttore
della collana.
N. B.: anche se prevista per il
2014, per diverse vicissitudini il presente volume è stato pubblicato solo
nell’anno indicato in copertina: 2020.
Biblioteca Pregoldoniana, nº 5
Nota al testo
Allo stato
attuale della mappatura delle opere della Comédie-Italienne, non sembra
esistere un manoscritto, che tramandi l’Arlequin
misanthrope. Anche questa pièce è
qui presentata nella versione tramandataci da Gherardi nell’edizione del 1700
(tomo VI), in quanto testimonianza dell’ultima volontà del curatore della
raccolta (per la collocazione dell’esemplare consultato si rimanda alle note del
presente lavoro). Il testo è stato pubblicato singolarmente nel 1697 a Parigi
presso l’editore Henry Lambin[1]
e ad Amsterdam da Adrian Braakman.[2]
Quest’ultima versione si ritrova invariata nel supplemento pubblicato dal
medesimo editore nel 1698 nel terzo volume di una raccolta più ampia che
riunisce diversi titoli.[3]
In nota sono segnalate le varianti, modernizzate secondo i criteri di
trascrizione adottati per l’intera raccolta e illustrati nell’occhiello, prima
pagina del volume: per praticità indicheremo l’edizione parigina di Henry
Lambin con l’acronimo hlp e quella
olandese con aba.
Nell’occhiello, prima pagina del
volume, si legge:
LE /THEATRE /
ITALIEN / DE / GHERARDI. / TOME VI.
Il frontespizio completo è il
seguente:
LE / THEATRE / ITALIEN / DE / GHERARDI / ou / LE RECUEIL GENERAL / de
toutes les Comedies & Scenes Fran- / çoises jouées par les Comediens
Italiens / du Roy, pendant tout le temps qu’ils / ont été au Service. / Enrichi d’Estampes en Taille-douce à la tête
/ de chaque Comedie, à la fin de laquelle
/ tous les Airs qu’on y a chantez se
trouvent / gravez notez, avec leur
Basse-continu / chiffrée. / TOME
VI. / A PARIS, / Chez Jean Bapt. Cusson / et / Pierre Witte, / rue S. Jacques,
au Nom de Jesus. / M. DCC. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Il sesto tomo contiene i
seguenti titoli: La thèse des Dames, Les Promenades de Paris, Le Retour de la Foire de Bezons, La Foire Saint Germain, Les Momies d’Egypte, Les Bains de la Porte Saint-Bernard, Arlequin Misanthrope, Pasquin et Marforio, Les Fées.
Nel tomo VI a p. 483:
ARLEQUIN / MISANTHROPE / COMEDIE EN TROIS ACTES / Mise au Théâtre par
Monsieur de B****, / et représentée pour la premiere fois par / les Comediens
Italiens du Roy dans leur / Hostel de Bourgogne le vingt-deuxiéme / de Decembre
1696.
Struttura: p. 484 acteurs, pp. 485-489 prologue, pp. 490-522 premier acte, pp. 523-552 deuxième acte, pp. 552-596 troisième acte.
Le abbreviazioni saranno
sviluppate.
ARLEQUIN MISANTHROPE
Acteurs[4]
arlequin.
octave, amant de
Colombine.
colombine.
le docteur, père d’Octave.
scaramouche, valet d’Octave.
pierrot, valet d’Arlequin.
monsieur disanvray, philosophe.
madame de l’architrave, architecte.
mezzetin, intrigant.
la comtesse.
le chevalier.
Un vieillard et sa femme.
Deux gasconnes.
[Quatre biscaïens.]
Un peintre.
Un libraire.
monsieur de colafon, maître à danser.
léandre, le fils cadet du Docteur.
La fille du Docteur.
jaquet, paysan.
macine, paysanne.
monsieur de geresol, maître à chanter.
[maçon]
[chanteuse]
monsieur de la cabriole, maître à danser.
[Un berger et une bergère]
La scène est dans un bois.
PROLOGUE
Arlequin, Colombine.
arlequin Non, te dis-je, je ne
la jouerai pas.
colombine Mais tu te
moques?
arlequin Il n’y a point de
plaisanterie à cela, et j’aimerais mieux être Arlequin Cochon, Arlequin Dogue,
Cygne, Taureau, et tout ce qu’il te plaira, que d’être Arlequin Misanthrope.
colombine Et bien, il faut donc se
résoudre à faire rendre l’argent. Quoi? Renvoyer tout ce beau monde-là? Il faut
avoir le cœur bien dur. Ah! Ah!
5 arlequin Oh, je
te connais, tu es tout comme les autres femmes; il n’y a que l’intérêt qui te
gouverne. Quand tu déplores ce beau monde-là, tu le regardes bien moins au
visage qu’à la bourse.
colombine Mais sérieusement, crois-tu
ne pouvoir être misanthrope, sans déroger à ton arlequinisme?
arlequin Non, vraiment, un
misanthrope est un homme d’esprit, une fois, et tout le monde sait que je ne
suis qu’un sot.
colombine Tu n’es pas glorieux, à ce
que je vois.
arlequin Oh, ma foi, si tous
les sots rougissaient de l’être, on ne rencontrerait dans les rues que des
visages d’écarlate.
10 colombine Parlons
un peu raison.
arlequin Parlons plutôt un
langage que tout le monde entende: mais s’il s’agit d’argumenter, me voilà sur
mes bancs. Allons.
colombine Vous êtes un sot,
dites-vous?
arlequin Concedo majorem.[5]
colombine Or est-il qu’il y a
plusieurs pièces où vous faites l’homme d’esprit: donc pour être un sot vous ne
laissez pas de pouvoir fort bien jouer le misanthrope.
15 arlequin Nego consequentiam, retorqueo
argumentum. Vous êtes une salope: il y a des pièces où vous faites la
femme d’importance: ergo vous n’êtes
pas une salope. Voilà un beau raisonnement!
colombine Mais ne fais-tu pas l’apothicaire
dans l’Empereur de la Lune?
arlequin Il est vrai qu’il
faut un esprit bien profond, pour mettre adroitement un lavement en place!
colombine Ne fais-tu pas l’avocat, le
procureur, le baron, le marquis?
arlequin Et parmi les avocats,
les procureurs, les barons, les marquis, n’y a-t-il point de sots? Tiens, ma
pauvre Colombine, ne nous abusons point. Feuilletons toutes les Annales
Arlequiniques, repassons sur les faits et gestes de tous les Arlequins du
monde, je te défie d’en trouver un misanthrope. Nous sommes de bons petits hommes,
qui faisons gracieusement une culbute, nous soupirons tendrement pour une belle
marmitonne comme toi, nous faisons éloquemment le panégyrique d’une bonne
soupe, et déplorons avec énergie la cherté du vin et du fromage de Milan. Mais
n’en demande pas davantage: c’est là le non
plus ultra de notre savoir-faire.[6]
20 colombine Trêve de
modestie. Je te réponds, moi, que tu te tireras fort bien du rôle qu’on t’a
donné.
arlequin (Vers le parterre) Il faudrait pour ma sûreté que ces Messieurs m’en
répondissent solidairement avec toi. Mais supposons que je veuille jouer cette
pièce, qui l’annoncera? Tu sais bien qu’Octave ne veut pas s’en mêler, et qu’aujourd’hui
une pièce ne saurait réussir si elle n’est annoncée, et si l’auteur ne vient
demander humblement quartier aux auditeurs, les prévenir sur les défauts, et
les prier de ne chercher pas plus d’esprit et de raison dans la prose que de
rime et de mesure dans les vers.[7]
colombine Est-ce là ce qui t’embarrasse?
Je l’annoncerai, moi.
arlequin En ce cas, j’en
augure bien; car on ne parvient aujourd’hui que par le canal des femmes.
colombine (Annonce) Quelque liberté que donne notre théâtre de grossir les
traits et de changer les idées; vous savez bien, Messieurs, qu’il y a une
extrême différence entre un Arlequin et un philosophe. Ainsi, si vous nous
trouvez dans quelques endroits un peu au-dessus de notre jeu ordinaire, n’en
accusez que le désir ardent que nous avons de vous plaire: c’est lui qui nous a
fait choisir le plan de satire que nous allons vous donner, dans lequel nous
avons néanmoins si bien mêlé toutes les gentillesses du théâtre italien, que si
le goût du siècle était un peu moins difficile, nous oserions nous flatter d’y
avoir mis de quoi contenter tout le monde. Heureux si nous avions pu atteindre
à ce but qui doit être la seule fin de la comédie, de corriger les mœurs en
divertissant l’esprit: plus heureux encore, si à la fin de notre pièce, que
nous vous supplions d’écouter jusqu’au bout, vous nous donnez des marques que
vous sortez contents.[8]
ACTE
I
SCENE
I
arlequin (Dans un bois parmi des animaux qu’il salue) Bonjour camarades. Ah,
de tout mon cœur! Je suis votre très humble serviteur. Votre valet de toute mon
âme. Ma foi il n’est point de pire animal que l’homme, et il n’en est pas de
moins humain. Eh quoi, ces pauvres petites bêtes ne me disent pas le moindre
mot: je ne vois point ici de ces esprits aigres, qui se font un point d’honneur
de ne convenir jamais. Je vis à ma fantaisie, et les lions qui sont seigneurs
hauts-justiciers et magistrats en dernier ressort de ces bois, n’exigent point
de moi que j’aille me morfondre sur leur escalier, ou m’ennuyer dans leur
antichambre. Je ne suis point éclaboussé par un parvenu, qui à la faveur d’une
métamorphose qu’il a peine à concevoir lui-même, se trouve dans un carrosse que
son père menait jadis. Je n’essuie rien de la polissonnerie des petits-maîtres,
et ne suis point obligé de me récrier sur les fadaises d’un mauvais plaisant de
qualité, qui fait vingt fois par jour passer en revue cinq ou six mauvais
contes qu’il a pillé dans l’espiègle ou dans le tombeau de la mélancolie. Je ne
vais point faire ma cour à un grand de nouvelle édition, qui embarrassé de sa
personne, et plus droit qu’un échalas, semble avoir perdu l’usage des
mouvements de son corps; qui jette à peine les yeux sur la foule d’adulateurs
qui l’environne, et croirait m’honorer beaucoup, s’il pouvait prendre sur sa
paralytique gravité un mouvement de pagode pour faire voir qu’il m’a remarqué.
Je ne prête point ici une attention de trois heures au récit burlesque des
prouesses d’un fanfaron qui ne s’est jamais montré aux ennemis que par la
croupe de son cheval. Nulle complaisance ne m’engage de répondre aux mines
enfantines d’une beauté surannée qui oublie qu’elle n’a pas une dent dans la
bouche, sur laquelle Carmeline n’ait une hypothèque spéciale. Je me promène
seul, et ne gobe point la nuée de poudre, qu’excite dans la grande allée des
Tuileries, le superflu du manteau des coquettes à taille équivoque. Je n’y vois
point de ces marquises de contrebande qui en gourgandine et en petites moules,
portent répandue sur toute leur personne une idée d’occasion prochaine. Enfin
je suis ici à couvert des impertinences dont Paris est rempli, et je trouve que
ce n’est qu’avec les animaux qu’on se défait de la férocité qu’on a contractée
avec les hommes. Oui, mes chers camarades, c’est avec vous seuls qu’on peut
vivre en repos. Je hais les hommes, je les déteste, ils sont faux, doubles,
hypocrites, méprisables.
Bien entendu, qu’en ceci
La femme est
comprise aussi.
Oui,
si j’en trouvais quelqu’une, je me ferais un plaisir de la traiter comme elle
mérite. Je la... (il aperçoit Colombine)
Ohimè![9]
SCENE II
Colombine, Arlequin.
colombine Ah, Monsieur, que je suis
heureuse de trouver une figure d’homme dans un lieu où je ne vois que des
bêtes!
arlequin (À part) Figure d’homme?
Elle est toute jolie. Je me défie furieusement de moi-même.
colombine Monsieur, ne pourriez-vous
point me dire des nouvelles de ce que je cherche?
arlequin (À part) Tenons bon.
5 colombine Il
me tourne le dos. Que je suis malheureuse!
arlequin (À part) La charmante pleureuse! Que je crains pour la misanthropie!
colombine Monsieur, ne me rebutez pas,
je vous en conjure.
arlequin Non... Ce sexe est
fait pour tromper tout le monde.
colombine Ah, craignez-vous quelque
chose d’une malheureuse qui implore votre secours?
10 arlequin Vous
êtes plus à craindre pour moi que toutes les bêtes de ce bois.
colombine Mais qu’appréhendez-vous?
arlequin Mais que demandez-vous?
colombine Que vous ayez la bonté de m’écouter
et de me répondre.
arlequin Dites: car c’est
folie de vouloir empêcher une femme de parler.
15 colombine Il y a
huit jours, Monsieur, que je suis sortie de Paris, pour chercher un scélérat, un
parjure, un perfide...
arlequin Quoi, ma mie, vous
partez exprès de Paris, pour chercher un malhonnête homme? Eh fi, vous n’y
pensez pas? Si j’avais à chercher un perfide, un parjure, un scélérat, sans
aucun frais de quête j’irais tout droit à Paris.
colombine N’insultez-point une
malheureuse, et si vous êtes insensible à mes maux, ne les rendez pas plus
cuisants par vos railleries.
arlequin Eh bien, la belle
enfant, quelle est la cause de votre douleur?
colombine Monsieur, il y a environ
quatre ans que ma mère est veuve.
20 arlequin Tant
mieux pour elle, et tant pis pour vous.
colombine Comme mon père n’avait pas
laissé beaucoup de bien, elle fut obligée de se servir de ses meubles pour
gagner sa vie.
arlequin C’est un expédient
dont bien des femmes s’avisent.
colombine Je veux dire, qu’elle meubla
une maison où venaient loger beaucoup de gens de qualité, et surtout grand
nombre d’étrangers.
arlequin C’est à dire souvent,
grand nombre de dupes.
25 colombine Ma mère
qui n’avait que moi d’enfants, me donnait la meilleure éducation qu’il lui
était possible, et tâchait de m’inspirer les airs d’une personne de condition.
arlequin Education bien
conditionnée.
colombine À vous dire le vrai, je me
suis toujours senti une sérieuse inclination d’être grande dame.
arlequin La pauvre petite!
colombine Je n’avais que douze ans,
quand ma mère fit tirer mon horoscope. On dit que ma beauté ferait ma fortune;
et on assure même que j’ai dans la main une couronne fort bien marquée.
30 arlequin Pronostic
pour la tête du futur.
colombine Parmi les étrangers qui
logeaient chez nous, il y avait un jeune prince allemand fait à peindre et beau
comme les amours; nous apprenions à chanter du même maître, et lisions les
romans ensemble.
arlequin Suite du pronostic. C’est
ici le voyage de l’Ile d’Amour? Eh bien, comment vous embarquâtes-vous?
colombine Un jour que nous étions dans
le jardin, il me fit une déclaration d’amour toute prise du troisième tome de
Cyrus.[10]
arlequin L’habile homme!
35 colombine Dame,
comme j’avais les idées fraîches aussi bien que lui, je le payai sur le champ
en même monnaie.
arlequin La belle présence d’esprit!
colombine Depuis ce temps-là, il ne me
quittait presque plus, ils s’ennuyait partout où je n’étais point, et me disait
cent fois le jour qu’il m’aimait plus que lui-même.
arlequin Et votre mère vous
prêtait ses meubles?
colombine Oh! Elle se défia de cette
grande familiarité, elle savait par expérience... Enfin elle me défendit de le
voir, et me mit en pension chez une de mes tantes.
40 arlequin De sorte
que vous ne vîtes plus le godelureau, vous ne sûtes plus de ses nouvelles![11]
colombine Bon! À quoi nous aurait donc
servi le maître à chanter? Le prince le mit si bien dans nos intérêts, qu’il me
donnait tous les jours un billet de sa part, et lui en reportait la réponse.
arlequin Il est vrai que ses
messieurs les maîtres à chanter ont un furieux tendre pour les amants
persécutés.[12]
colombine Ce n’est pas tout. Comme le
prince ne pouvait pas me voir chez ma tante, le maître à chanter obtint d’elle
qu’elle me permettrait d’aller à un concert où il y aurait beaucoup de gens de
qualité.
arlequin Vous y fûtes sous le
bon plaisir de la bonne tante?
45 colombine Oui, j’y
fus avec une fille du voisinage; mais au lieu de concert nous ne trouvâmes que
le prince: j’entrai dans la chambre où il était, pendant que le musicien
entretenait notre voisine.
arlequin Ouf! Maudit
ménétrier! Eh bien, Eh bien, que fîtes-vous là?
colombine Oh dame, Monsieur, quand on
s’aime bien, qu’un maître à chanter conduit l’intrigue, et qu’on a une si belle
occasion de vérifier les prédictions... Je songeai à mon horoscope, et mon
jeune prince me fit une promesse de mariage.
arlequin Voilà le dénouement.
colombine Nous nous vîmes encore
plusieurs fois chez le musicien sous le même prétexte de concert.
50 arlequin Eh, que
ces concerts déconcentrent de jolies filles! Mais enfin?
colombine Mais enfin, il y a aujourd’hui
six jours que j’appris par un bruit de ville, que le prince avait disparu. Je
vous laisse à penser si cette nouvelle me perça le cœur; mais sans m’amuser à
pleurer, je pris tout ce que j’avais d’argent, et quelques pierreries que ma
mère m’avait données, et je montai à cheval, résolue de chercher mon infidèle
par tout le monde, et de le suivre jusqu’aux extrémités de la terre.
arlequin Voilà un beau
dessein.
colombine Ah, Monsieur, je le
trouverai, ou je mourrai à la peine, il y a deux ans que je l’aime.[13]
arlequin Comment donc, deux
ans? Et je ne croyais pas que depuis feue Artémise de constante mémoire, aucune
femme eût aimé plus de vingt-quatre heures.[14]
55 colombine Je l’aimerai
jusqu’à la mort.
arlequin Cela n’est pas bien
sûr. Mais aussi, n’est-ce point la principauté que vous courez plutôt que l’amant?
Ce que les femmes de ce temps-ci ne mettent
pas en amour, elles le dépensent bien et au-delà en ambition.
colombine Quelle
injure vous faites à la sincérité de mes sentiments! Oui, quand mon amant
serait le dernier des hommes, je ne l’en aimerais pas moins.
arlequin (À part) Une fille qui n’aime, ni par ambition ni par intérêt?
Quelle merveille! Voilà mon fait. Mettons-nous bien dans son esprit.
Mademoiselle, je vous plains, et vous offre tout ce qui dépend de moi.
Venez-vous reposer, nous tâcherons de savoir des nouvelles de ce que vous
cherchez.
colombine Ce n’est pas un médiocre
avantage, de trouver en l’état où je suis quelqu’un qui prenne part à mes
disgrâces.
SCENE
III
Octave, Scaramouche (en habit de livrée).
octave Oh ciel! Dans quelle
étrange situation me trouve-je? Je fuis Colombine, et mon cœur court après
elle; depuis six jours que je l’ai quittée, j’ai souffert tout ce que... Mais
ne vois-je pas Scaramouche que j’avais laissé à Paris pour m’en apporter des
nouvelles?
scaramou. Gare, Monsieur, gare, prenez
garde, hem, n’est-elle pas là?
octave Qui?
scaramou. Colombine.
5 octave Colombine?
scaramou. Oui, Colombine, elle doit être ici.
octave Mais comment veux-tu
qu’elle soit ici, puisque je l’ai laissée à Paris?
scaramou. Diable, une fille de Paris
un peu jolie, fait bien du chemin en peu de temps.
octave Je n’entends rien à
ton peste de galimatias.
10 scaramou. Cela veut
dire, Monsieur, que le lendemain de votre départ de Paris, Colombine monta à
cheval pour vous suivre.
octave Eh bien, Scaramouche.
scaramou. Eh bien, il y a cinq jours
qu’elle vous suit, elle vous doit avoir joint.
octave Mais ne sachant pas
où je suis, comment veux-tu qu’elle me trouve?
scaramou. Oh diable, Monsieur, une
fille amoureuse a bon nez, et un amant aimé est un gibier dont il n’est pas
malaisé de suivre la piste. Je vous dis
encore un coup, que si Colombine n’est pas ici, elle y sera bientôt.
15 octave Mais,
dis-moi, Scaramouche, lorsque Colombine apprit mon départ, que fit-elle? Que
dit-elle de mon absence?
scaramou. (pleurant) Ah, Monsieur, c’est une chose déplorable. La pauvre
fille! Je ne saurais m’empêcher de pleurer, car je suis tendre aussi.
octave Hélas!
scaramou (riant) C’était la plus drôle des choses; quand j’y songe, je ne puis
m’empêcher de rire.[15]
octave Et de quoi ris-tu,
coquin?
20 scaramou. De la
mine qu’elle fit quand vous fûtes parti.
octave Maraud!
scaramou. J’entrai dans sa chambre, et
je la trouvai sur son lit, toute en pleurs, qui s’arrachait les cheveux. C’est
donc ainsi, disait-elle, qu’il m’abandonne, qu’il me... (il pleure) Ah, ah, cela fait crever le cœur.
octave Pouvais-je faire
autrement?
scaramou. Eh bien, Scaramouche,
ajoutait-elle, tu vois comme me traite un prince que j’aime à l’adoration.
25 octave Elle ne
sait donc pas qui je suis, et elle me croit toujours un prince allemand.
scaramou. Vraiment, elle se donnerait
à tous les diables, que vous êtes le plus grand prince de toute la princerie;
on n’aurait qu’à lui dire que vous êtes un comédien, ma foi!
octave Tant pis,
Scaramouche, tant pis. Quand Colombine saura que je ne suis qu’un comédien,
quelle chute! Elle en mourra de douleur.
scaramou. S’il fallait trépaner toutes
les femmes qui font de ces chutes-là, les chirurgiens gagneraient trop d’argent.
octave Continue ton récit.
30 scaramou. Traître,
infâme, scélérat... C’est elle qui parle.
octave Supprime ces
épithètes.
scaramou. Je suis historien exact. Je
mourrai. Oui, dit-elle, je mourrai de douleur. (il pleure) Ah, ah, cela m’arrache les larmes.
octave Hélas!
scaramou. Et sur le champ elle se lève
du lit. Oh, pour celui-là il est trop plaisant, (il rit) prend les porcelaines de sa cheminée, les jette à terre,
prin; rompt les tableaux, crac; renverse les meubles, ouvre la fenêtre, et se
jette...
35 octave Où, Scaramouche?
scaramou. Dans un fauteuil.
octave Enfin?
scaramou. Je n’en vis pas davantage,
et je m’en allai.
octave Et
pourquoi, coquin?
40 scaramou. Diable, Monsieur, une fille
amoureuse qui a perdu son amant se prend où elle peut! Que sait-on? Je ne suis
pas dégoûtant, et elle n’était pas dégoûtée, sur ma parole.
octave Taisez-vous, Monsieur
le mauvais plaisant. Mais comment sais-tu donc qu’elle est partie?
scaramou. C’est que le lendemain, je
la vis sortir à cheval par la porte Saint-Honoré, et je conjecture de là qu’elle
vous suit.
octave Me voilà plus inquiet
et plus embarrassé que jamais.
scaramou. Pour moi, il y a environ
deux heures que je me suis mis au service d’un nommé Arlequin.
45 octave Ce philosophe qui s’est
retiré ici?
scaramou. Justement, j’ai mes raisons
pour cela.
octave Et quelles raisons
encore?
scaramou. De bonnes raisons pour vos
intérêts et pour les miens. Mais retirez-vous, j’ai peur qu’on ne nous
surprenne.
SCENE
IV
Arlequin, Monsieur
Disanvray.
arlequin Eh bien, Monsieur
Disanvray, qu’y a-t-il de nouveau à Paris?
m. disanvr. Quoi! Vous ennuyez-vous
déjà dans votre retraite? À quel changement vous attendez-vous depuis un mois
que vous êtes hors de Paris?
arlequin Un mois, Monsieur
Disanvray? Vous n’y pensez pas. Faut-il un mois pour changer du blanc au noir
une ville qui est le mouvement perpétuel? Allez, allez, ma curiosité serait
bien satisfaite si je pouvais savoir combien il s’y fait de changements en
vingt-quatre heures.
m.
disanvr. Qu’est-ce
à dire?
5 arlequin Hé,
faut-il plus d’une nuit pour faire d’une fille une femme, un gentilhomme d’un
roturier, et d’un faquin, un homme d’importance?
m.
disanvr. Vous
avez raison; mais il serait diantrement difficile de tenir un registre exact de
ces changements, tant ils sont fréquents. Mais, sans entrer dans un si grand détail,
Paris est à peu près de même que vous l’avez laissé; les hommes y sont fourbes,
avides, âpres à l’argent, peu sensibles aux lois de l’honneur, et sacrifiant
tout à leur intérêt. Les femmes sont prudes au-dehors, et galantes au-dedans;
les vieilles se fardent, les jeunes minaudent. Il y a moins de jaloux que de
cocus.
arlequin Et les coquettes,
comment se gouvernent-elles?
m.
disanvr. Les
coquettes? Il n’y en a plus.
arlequin Oh, oh, point de
coquettes à Paris?
10 m. disanvr. Non. Une
coquette n’est-ce pas une femme qui a plusieurs amants?
arlequin Oui.
m.
disanvr. Eh
bien, il n’y a donc plus de coquettes. Car loin qu’une seule femme ait
plusieurs amants, bien heureuse celle qui en a un à elle seule. Il y a tel homme sur qui dix ou douze femmes
mettent l’enchère tout à la fois.
arlequin C’est comme de mon
temps. Car j’ai connu autrefois une fort jolie personne intéressée pour un septième
sur un capitaine de Dragons, qu’elle ne voyait pas six fois dans tout un
quartier d’hiver.
m.
disanvr C’est
une chose déplorable que de voir la disette d’homme qui règne à Paris, et la
cherté dont ils sont. Aussi une femme de bon sens, disait-elle ces jours
passés, que dans une année abondante, la nature devrait produire pour le
soulagement du pauvre sexe féminin, une certaine quantité d’hommes, comme elle
produit du vin et du blé.
15 arlequin Bon! Et
quand cette année il serait né autant d’homme qu’il s’est cueilli de grains de
blé, de quelle utilité pourraient-ils être aux coquettes? Elles seraient
passées avant qu’ils fussent morts. Mais, Monsieur Disanvray, comment vivent
les beaux esprits à Paris? Font-ils toujours corps de communauté, et n’ont-ils
qu’un même syndic avec les fripiers?
m.
disanvr. Comment
donc?
arlequin C’est que de mon temps
il leur était défendu de travailler de la besogne neuve, et ils ne s’occupaient
qu’à rajuster ce qui avait été fait par les autres.
m.
disanvr. C’est
donc toujours de même. Car quand vous allez acheter des livres, vous entendez
annoncer comme dans une friperie: Monsieur, une petite pensée d’Horace bien
proprement retournée. Monsieur, une satyre de Juvenal doublée de neuf. Une
comédie de Terence à grandes manches et grosses boutonnières. Des dialogues de
rencontre. Les oraisons de Cicéron à la pièce.[16]
arlequin De sorte qu’il ne
paraît plus de nouveautés?
20 m. disanvr. Bon! On n’en a jamais tant vu. La
rage possède les auteurs pour imprimer; et si le grand flegme et la retenue du
public qui n’achète plus rien ne modéraient ce grand feu, il n’y aurait pas
assez de papier en France. Tel qui n’a pas seulement appris à lire, fait des
poèmes dramatiques en vers et en cinq actes, qu’on joue cinq fois la semaine.
Voilà la liste des livres qui furent affichés mardi passé.
arlequin (Lit) Relation véritable et
remarquable de la sanglante défaite des Anciens pas les Modernes, avec la liste
des morts et des blessés.
A
la fin, ces maroufles ont donc été battus?[17]
m.
disanvr. Et
comme il faut. Il n’y en a pas un qui n’ait quelque vilain coup qui le défigure.
arlequin C’est donc par
derrière, car nos braves Modernes ne regardent pas face à face ces poltrons-là.
Topographie exacte du visage d’une
femme, ou l’art d’y placer les mouches régulièrement; avec une dissertation sur
les différentes manières de rire de bonne grâce. Le tout composé par un jeune
abbé de qualité.[18]
m.
disanvr. Oh,
nos jeunes abbés se distinguent par leur érudition.
25 arlequin L’art d’aimer, réduit en abrégé par un
ancien fermier général. Ouvrage enrichi de plusieurs médailles d’or.
m.
disanvr. Celui-là est fort rare. On n’en trouve presque plus de la
bonne édition.
arlequin Projet d’un dictionnaire de mines. Ouvrage fort utile aux
lorgneurs, pour l’intelligence des grimaces des coquettes.
m.
disanvr. Celui-là
ne sera pas dur à la vente.
arlequin Traduction des Instituts de Justinien en langue vulgaire,
pour le soulagement des magistrats qui n’entendent pas le latin. Je réponds du débit de celui-là.[19]
30 m. disanvr. Il enrichira l’imprimeur, si tous
ceux qui en ont besoin en achètent un exemplaire.
arlequin Monsieur Disanvray,
voilà de nouveaux visages qui me viennent; laissez-moi un moment, je vais vous
rejoindre tout à l’heure.
SCENE
V
Le Docteur, Arlequin, Léandre, une
fille, Scaramouche, quatre biscaïens.
le
docteur (Faisant de grandes révérences)
Monsieur...
arlequin Sans compliment.
le
docteur Monsieur...
arlequin Eh, sans façon.
5 le docteur Monsieur...
arlequin Sans cérémonie, ou je
vous plante là.
le
docteur Monsieur,
la haute réputation que vous avez dans le monde, et l’estime générale que vous
vous êtes acquise...
arlequin Moi, de l’estime? Si
je croyais être bien dans l’esprit de quelqu’un des hommes d’aujourd’hui, je m’irais
pendre tout à l’heure.
le
docteur Mais,
Monsieur...
10 arlequin Oui, je
veux que les hommes me haïssent, me méprisent, et me regardent à peu près du
même œil que je les vois. De l’estime? Je voudrais bien voir quelqu’un m’estimer!
Je les y attends!
le
docteur Mais;
souffrez que je vous dise...
arlequin Souffrez que je vous
dise moi, que le caractère du peu de mérite est d’être estimé des hommes d’aujourd’hui,
et que la vraie marque qu’on vaut quelque chose est d’en être méprisé. Je veux
qu’ils me méprisent, entendez-vous?
le
docteur Soit.
arlequin Sans préambule, de
quoi est-il question?
15 le docteur Monsieur,
comme vous savez qu’on ne fait plus rien dans les provinces, et que Paris est
le seul théâtre où l’on peut paraître un peu à l’avantage, je vais m’y établir
avec ma famille, et je n’ai pas voulu passer par ces lieux, sans voir un
philosophe qui fait autant de bruit que vous, Monsieur.
arlequin Vous auriez pu
retrancher plus de la moitié de votre longue période, aussi bien que les
fréquents Monsieur, dont vous entrelardez vos longues phrases! Mais qui
êtes-vous pour aller à Paris avec tant de confiance?
le
docteur Je
suis, Monsieur, un homme de lettres, dont le nom fait du bruit parmi les
savants.
arlequin Je m’en suis douté en vous voyant si jargonneur. Vous allez donc à Paris
faire fortune, vous courez après quelque établissement considérable?[20]
20 le
docteur Je ne suis guère
embarrassé là-dessus. J’ai deux ou trois ouvrages fins, prêts à mettre sous la
presse, et je ne serai pas plutôt arrivé à Paris, que les librairies de ce
pays-là, qui sont connaisseurs, riches et honnêtes gens, viendront au-devant de
moi m’offrir tout ce que je voudrai de mes livres.
arlequin (Riant) Ah, ah, les librairies connaisseurs, riches et honnêtes
gens! Cet homme-là connaît la librairie!
le
docteur Et
la jeunesse de la Cour, qui est généreuse et délicate, sera ravie de m’avoir,
et l’argent pleuvra chez moi, Dieu sait!
arlequin (Riant) Oui, oui, la jeunesse de la Cour généreuse et délicate! Ah,
que voilà un homme bien instruit!
le
docteur Outre
cela, comme je sais de bien des sortes de choses, et que les jeunes magistrats
sont curieux, appliqués et bienfaisants, ce sera un plaisir de voir comme je
serai couru.
25 arlequin (Riant) Les jeunes magistrats appliqués,
bienfaisants! Il connaît aussi bien la robe que l’épée. Eh, mon ami, quand vous
serez à Paris, que les choses vous paraîtront différentes de ce que vous les
avez vues de votre province! Les fortunes des gens de lettres sont de belles
perspectives, qui ne brillent que de loin. Mais qui sont ces gens-là?
le
docteur C’est
ma famille, Monsieur, et j’ai encore un fils à Paris, qui est à ce qu’on m’a
dit, dans un poste fort éclatant.
arlequin Ce jeune garçon-là,
est-il votre fils?
le
docteur Oui,
Monsieur, mon cadet.
arlequin Va-t-il aussi faire
fortune?
30 leandre Je l’espère,
Monsieur.
arlequin Et comment cela,
Monsieur?
léandre Monsieur, j’ai comme
vous voyez, un extérieur assez souffrable; j’ai bien fait mes exercices; je
manie bien un cheval, je danse passablement; je sais un peu les langues
étrangères, Monsieur.
arlequin Et avec tout cela
vous prétendez, Monsieur...
léandre M’attacher à quelque
grand seigneur, qui m’avancera à l’armée, et prendra soin de ma fortune.
35 arlequin Chimère,
mon ami, chimère toute pure. Si, fait comme vous voilà, vous parliez de vous
faire valet de chambre, ou premier laquais de quelque vieille, passe.
léandre Eh, si Monsieur, je n’ai
pas l’esprit assez bas.
arlequin À quel étage
croyez-vous donc qu’il faille avoir l’esprit pour faire fortune? Mais
dites-moi, cette grande fille est-elle votre sœur? Elle n’est pas mal bâtie.
léandre Monsieur, elle danse
bien, et a la voix assez jolie.
le
docteur Je
lui ai donné la meilleure éducation que j’ai pu. Je voudrais la mettre auprès
de quelque femme de qualité, qui après l’avoir gardée quelque temps chez elle,
la mariât avantageusement.
40 arlequin Cela n’est
pas bien sûr. On ne trouve presque plus d’épouseurs pour les filles qui sortent
de grandes maisons.
le
docteur Et
pourquoi cela?
arlequin Mon Dieu, c’est que
les médisants jasent toujours, et qu’on ne saurait ôter de la tête de certaines
gens, qu’une jolie fille qui rend ses soins à Madame, reçoit souvent ceux de
Monsieur. Mais puisqu’elle chante, savez-vous ce qu’il en faudrait faire?
le
docteur Et
quoi?
arlequin La mettre à l’Opéra.
45 le
docteur À l’Opéra?
arlequin Oui, à l’Opéra; si
elle peut-y être reçue, s’entend. Car la presse y est diablement, depuis
quelque temps. On pourra toujours par faveur la faire recevoir surnuméraire.
le
docteur Si
vous vouliez, vous nous rendriez ce bon office?
arlequin Attendez, que j’examine
votre fille. Dans le fond, elle n’est pas propre à l’Opéra, elle n’a pas cet
air ouvert... Là... Cette hardiesse... Je ne sais même si elle se tirerait bien
d’un duo, et vous savez pourtant que
c’est le duo qui place une fille à l’Opéra.
le
docteur De
sorte que...
50 arlequin De sorte
que, si vous et votre famille n’avez pas de meilleure ressource, vous pouvez à
coup sûr épargner les frais du voyage. Croyez-moi, retournez-vous en chez vous.
le
docteur Nous
resterions volontiers avec vous, si vous y consentiez.
arlequin Oh, c’est une autre affaire; un solitaire craint d’être trop accompagné.
(Scaramouche se met à pleurer)
Hé, qu’as-tu donc, mon ami, qu’est-ce qui
t’afflige? Parle, que veux-tu?
scaramou. Ah, Monsieur, si toutes ces
bonnes gens qui ont du mérite, qui savent tant de choses, ne peuvent pas faire
fortune à Paris, que ferais-je donc, moi?
arlequin Comment?
55 scaramou. Oui, qu’est-ce
que je ferai, moi qui ne suis bon à rien, qui ne fais que de la bagatelle, qui
ne sais que la bagatelle, et qui ne suis moi-même qu’une bagatelle?
arlequin Tu sais la bagatelle?
scaramou. Oui.
arlequin Tu fais la bagatelle?
scaramou. Hélas, oui.
60 arlequin Et tu es
la bagatelle? Ah, mon cher, viens que je t’embrasse; tu es né pour Paris, tu es
né pour une grande fortune! Avec une si belle disposition, tu peux aspirer à
tout. La bagatelle? Ah! Mon ami, si j’avais eu un noble penchant pour la
bagatelle, je ne serais pas ici, je serais à Paris dans une fortune éclatante.
scaramou. Quoi?
arlequin Pars hardiment, pars,
vas, tu n’y seras pas plutôt, que tout le monde courra après toi.
scaramou. Mais, pourtant...
arlequin C’est un pays où l’on
ne respire que bagatelle, le sérieux y est marchandise de contrebande, et la
bagatelle y est si universellement répandue, qu’on peut dire qu’à proprement
parler, Paris n’est qu’une grande bagatelle.
65 scaramou. Ainsi
avec beaucoup de bagatelle je puis faire un peu de fortune?
arlequin Telle que tu voudras.
La bagatelle est aujourd’hui la porte des honneurs et des richesses. L’un a
épousé une vieille qui l’a rendu gros seigneur pour avoir dit une bagatelle de
bonne grâce; celui-ci a donné dans l’œil à une femme du premier rang pour avoir
fait un saut périlleux d’un air robuste; cet autre possède une charge de
judicature qui ne lui coûte qu’un petit tour de poignet, dans une rafle de six
amenées à propos; et j’en connais un élevé à de grandes dignités qui n’a qu’une
jolie femme pour tout mérite. Compte en un mot, que je te réponds de ta fortune,
et que je te prie de m’en mettre de moitié.[21]
scaramou. Volontiers. Voilà des
bagatelles de ma façon.
(On ouvre, et on voit un grand cabinet
illuminé. Il est soutenu par quatre mores vêtus de gaze d’or. Il y a dans
chaque niche, des figures richement vêtues. Les violons jouent une chaconne)[22]
(Quatre biscaïens dansent)
espagnol (Chante) Il ne faut qu’une bagatelle
Pour être heureux ou
malheureux;
Pour faire un infidèle
De l’amant le plus
amoureux,
Il ne faut qu’une
bagatelle.
(Un autre espagnol danse seul)
espagnol (Chante) Pour réduire une belle
À bien payer nos feux;
Pour troubler la
cervelle
Du mari le moins
soupçonneux,
Il ne faut qu’une
bagatelle,
70 espagnolette (Chante) Pour le faire riche ou gueux,
Pour rendre son nom
fameux,
Par un croissant de
bon modèle,
Il ne faut qu’une
bagatelle.
(Le second espagnol et l’espagnolette dansent)
espagnolette (Chante) Sans un peu de bagatelle
Tout le monde
finirait.
Qu’est-ce qu’on dirait?
Qu’est-ce qu’on
ferait?
On craindrait une
ruelle,
On s’ennuierait,
On s’enfuirait
Rien ne plairait.
Sans un peu de
bagatelle.
(Les quatre biscaïens dansent)
espagnolette (Chante) Qui se marierait?
Qui nous voudrait?
Que servirait d’être
belle?
On nous morguerait;
On s’en passerait
Sans un peu de
bagatelle.
(Les figures du cabinet se détachent, et font
une danse de postures)
ACTE II
SCENE
I
La Comtesse, Le Chevalier, Arlequin.
la
comtesse (À Arlequin) Oh ça, Monsieur, en deux
mots comme en mille, qu’il se mette à la raison, où je le quitte.
arlequin Que veut-elle dire?
la
comtesse Oui,
oui, je sais comme on se sépare. À quelque tribunal que nous plaidions, il y
aura plus de la moitié de nos juges qui seront de jeunes gens, et ces
messieurs-là rendent bonne justice aux femmes qui cherchent à rompre un nœud,
auquel ils sont les premiers à donner de furieuses entorses.
arlequin Mais, Madame, parlez
plus intelligiblement. Je n’entends rien à tout ce galimatias de séparations,
de jeunes juges, d’entorses à la foi conjugale. Que diantre veut dire tout
cela?
5 chevalier Quoi,
Monsieur, vous ne comprenez pas que Madame a toutes les raisons du monde de se
plaindre de Monsieur son époux, qui la tient dans une terre d’où il ne veut pas
qu’elle parte sans son ordre?
arlequin Il est vrai qu’il y a
près de huit jours que votre mari vous a laissée ici.
la
comtesse Eh
bien, Monsieur, huit jours? Comptez-vous huit jours pour rien? Savez-vous ce
que c’est pour une jolie femme, d’être huit jours hors de Paris? Une femme
comme moi hors de Paris, c’est un poisson hors de l’eau. Entendez-vous,
Monsieur, huit jours? Si je n’avais trouvé le Chevalier ici, que serais-je
devenue?
chevalier En vérité, Monsieur, une
jeune dame comme Madame la Comtesse, est-elle faite pour demeurer à la
campagne? Tant d’appas doivent-ils demeurer cachés, ou n’être vus que par des
gens qui ne leur rendent pas l’hommage que leur doivent toutes les personnes de
bon goût?
arlequin Hé, le godelureau!
Comme il fait doucereux! Depuis que les femmes affectent les airs cavaliers,
les jeunes gens ont pris toutes les manières féminines.
10 chevalier Mais, Monsieur,
vous êtes homme judicieux, mettez la main sur la conscience, que voulez-vous
que Madame fasse dans cette maudite gentilhommière?
arlequin Qu’elle commence par
vous en bannir; et vive ensuite comme les autres femmes.
la
comtesse Fort
bien! Vivre comme les autres femmes! C’est parler d’or, si cela se pouvait.
arlequin Et pourquoi non?
la
comtesse Puis-je,
dites-moi, dans une solitude, me levant à midi, être jusqu’à deux heures à ma
toilette, parmi mille nuances de justaucorps rouges et bleus qui me
réjouiraient la vue?
15 arlequin Vraiment,
on sait bien que vous ne pourrez pas comme certaines femmes, destiner les
différents jours de la semaine aux différentes professions, et donner le lundi
aux gens de robe, le mardi aux abbés, le mercredi aux étrangers, et le reste de
la semaine au public.
le
chevalier Vous
voyez donc bien, Monsieur, que Madame a raison, et que vous n’avez rien à
répondre.
arlequin Il est vrai, j’en
suis sur la négative.
la
comtesse Eh,
que répondrait-il? Me fera-t-il comprendre
que si je donne à jouer dans un vieux château qui menace ruine, et qui est à
vingt lieues de Paris, j’aurai tous les jours vingt coupeurs aux quatre
pistolets?[23]
arlequin Difficilement les
rondes d’un seul hiver vous vaudraient ici de quoi faire la fortune d’un joli
homme.
20 le chevalier En vérité, Madame la Comtesse raisonne comme un
charme, et je vois bien que Monsieur ne saurait résister à la force de son
raisonnement.
arlequin Eh le petit butor! Il
ne sait pas que la raison n’a rien à faire dans le raisonnement des femmes.
la
comtesse Dans
un maudit pays comme celui-ci, a-t-on le moindre plaisir? E celui de la
promenade, tout innocent qu’il est, ne vous est-il pas lui-même interdit?
le chevalier Oh pour cela, Madame, on
vous a donné de mauvais mémoires, nous avons ici aux environs les plus belles
promenades du monde.
la
comtesse Eh
fi! De quoi me parlez-vous?
25 arlequin Ne
voyez-vous pas que Madame ne veut se promener que dans les rues de Paris?
la
comtesse Non,
mais, vous n’avez ici ni Cours, ni Tuileries, ni Vincennes.
le
chevalier Il est vrai, mais nous avons des promenades qui ne valent
guère moins.
arlequin Madame a raison. Dans
nos promenades on n’a pas le plaisir de contrôler. Peut-on dire par exemple,
voilà une telle qui est dans le carrosse de son amant. Cette maigre échine qui
est dans le fond leur sert de commode. Mon Dieu, que Célimène est mal coiffée
aujourd’hui! Ne se corrigera-t-elle jamais de mettre si peu de rouge sur deux
doigts de blanc? Votre grand Président ne
veut-il pas avoir un autre équipage? Je crois qu’il a acheté le sien à la
Vallée de Misère! Non, il n’y a point de carrosse de remise qui ne donnât
quinze et bisque à ce vilain fiacre-là.[24]
la
comtesse Ce
sont toutes ces gentillesses qui font l’âme de la conversation du Cours et des
Tuileries.
30 le chevalier Madame dit
cela d’un air malicieux qui enchante.
la
comtesse Oh
point, on a tous les torts du monde de dire que je suis médisante, je suis la meilleure
pâte de femme qui fût jamais.
arlequin La bonne pâte de
femme! On n’y a pas épargné la farine et le levain.
la
comtesse Enfin,
Monsieur, pour trancher court, je suis venue vous prier d’écrire à mon mari,
que s’il ne me retire au plus tôt d’ici, je m’en retirerai moi-même, qu’il
prenne ses mesures là-dessus. Allons, Chevalier, allons.
arlequin L’extravagante
créature! Mais quel est cet homme-là?
SCENE
II
Octave, Arlequin.
octave Monsieur, vous êtes
un homme illustre, au-dedans, je suis un homme illustre au-dehors. Vous faites
le sage quand il vous plaît, et je ne fais le fou que quand je veux. Vous vous
cachez, et l’on vous suit. Je m’expose en public. Et l’on ne me suit pas autant
que je voudrais: enfin, Monsieur, vous êtes philosophe, et je suis comédien!
arlequin Ah, comédien? Je ne m’étonne
plus s’il est gaillard. Eh bien, Monsieur, que cherche ici votre personne
comique?
octave Eh, Monsieur, dès que
je suis comédien, je cherche de l’argent, du plaisir et de la gloire.
arlequin Il n’y a guère ici de
tout cela.
5 octave Monsieur,
nous ne faisons plus rien dans les grandes villes. Le public ne court plus
après nous, nous avons songé dans notre compagnie que la nouveauté de voir des
comédiens dans un désert nous ferait suivre par cette multitude qui ne s’étonnait
pas de nous voir bien solitaires dans une ville.
arlequin Mais savez-vous que
cela est bien pensé? Moi, qui ai souvent vu avec chagrin la comédie bien
solitaire à Paris, je sens que je serais ravi de la voir bien fréquentée dans
ce désert.
octave Cela ne peut pas
manquer pour peu que vous soyez de la partie. Tous les grands hommes sont d’excellents
comédiens, et on ne se distingue qu’à mesure qu’on joue mieux son personnage.
arlequin Eh comment! Ceci est
rare. On disait que les gens de plaisir n’avaient bien de l’esprit que le verre
à la main, et celui-ci raisonne de sang-froid.
octave Monsieur, je m’ouvre
à vous. Les gens de ma profession ont besoin d’un peu de solitude pour se connaître.
Nous faisons si souvent les princes et les rois, que nous sommes comme ces
menteurs de profession, qui à force d’en imposer se trompent eux-mêmes, et
prennent leurs impostures pour des vérités.
10 arlequin Vous
êtes riche dans vos comparaisons.
octave Je vous avoue donc,
Monsieur, qu’en mon particulier, je ne saurais vivre dans une grande ville sans
y faire le prince.
arlequin Ah, ah, ceci serait
plaisant. Le Prince de Colombine serait-il prince du sang de ce souverain-ci?
Mais elle vient.
SCENE
III
Octave, Colombine, Arlequin.
octave Ciel! Qu’est-ce que
je vois? Colombine en ce désert! Elle me surprend après que je me suis
découvert.
arlequin Bonjour, la belle affligée. Venez, levez les yeux. Je vous présente ici un
prince qui pourra vous donner des nouvelles de celui que vous cherchez.
colombine (S’évanouit) Ô Dieux! Octave...
arlequin Elle s’évanouit? Quoi
entre mes bras? Adieu ma philosophie.
5 octave Tout
mon amour se rallume.
arlequin Que veut dire ceci? C’est
tout de bon, je crois. Allons donc, réveillez-vous, voici votre Prince. Il n’y
a pas de meilleur antidote que le retour d’un amant, pour ranimer une belle
évanouie.
octave Souffrez, Monsieur...
arlequin Je ne souffre rien.
octave Mais, encore...
10 arlequin Mais
retirez-vous de là, vous dis-je.
(Octave veut secourir Colombine, Arlequin l’en
empêche et emmène Colombine, Octave reste fort embarrassé. Le Docteur vient,
qui le reconnaît pour son fils. Octave feint de ne pas le connaître et s’échappe.
Le Docteur le suit. Après cette scène; qui est toute en italien, Arlequin
revient sur le théâtre)
SCENE
IV
Arlequin, Pierrot.
arlequin (À part) Notre évanouie est enfin revenue; et je comprends bien qu’elle
pourrait faire le bonheur de quelqu’un qui voudrait mieux que son Prince
comique. Mais à qui en veut Pierrot?
pierrot Oh dame, en voilà
bien d’un autre! Le coche de Paris veut vous voir, le ferai-je entrer?
arlequin Le coche de Paris?
pierrot Oui, le coche de
Paris. C’est-à-dire, non pas celui de Paris,
mais qui va à Paris; et ce n’est pas le coche qui prétend avoir l’honneur de
vous parler, ce sont les gens qui sont dedans. Je m’entends bien, une fois.
5 arlequin C’est
fort bien fait. Mais quelles gens sont-ces?
pierrot Oh, il y en a de
toutes les façons, des hommes, des femmes.
arlequin Des femmes?
pierrot Oui, des femmes. Il y
en a de jeunes et de vieilles. Il y en a de pimpantes comme des poupées de
palais, et d’autres qui ont l’air sainte nitouche. Il y a encore des abbés.[25]
arlequin Des abbés?
10 pierrot Oh,
pour ceux-là, ils m’ont bien fait rire. Il y avait un petit rougeau qui se
plaignait de vapeurs, et un autre endêvait d’avoir perdu sa boîte à mouches.[26]
arlequin Et je demeurerais
ici? Non, dussé-je... Mais non, fais les entrer; si la sagesse me fait suivre,
sans doute l’impertinence me fera fuir. Reprenons nos aires d’homme du monde,
faisons le fat et le ridicule.
SCENE
V
Le vieillard, sa femme, Arlequin.
vieillard Eh bien, Monsieur, n’est-ce
pas dommage, belle comme la voilà, à vingt ans, ne pouvoir avoir d’enfants?
arlequin Et de quel
tempérament êtes-vous, la belle? Mélancolique, bilieuse?
femme (Riant) Mélancolique moi, mélancolique?
Ah, ah!
arlequin Quel tempérament
donc?
5 femme Je n’en
sais rien. Mais je suis fort alerte. Je danse, je chante, je bois le petit
coup, je prends du tabac, et si j’avais un mari qui me fournit de l’argent et
du plaisir autant que j’en voudrais, je ne m’inquiéterais jamais de rien.
arlequin (Au vieillard) Vous êtes son père, apparemment?
vieillard Non, Monsieur. Je
n’ai l’honneur d’être père de personne. Je suis son mari.
arlequin Son mari? Et quel
âge, de grâce?
10 vieillard Soixante-dix-sept,
au 19 avril.
arlequin Soixante-dix-sept? (à la femme) Et comment vous
accommodez-vous de cela?
femme Moi?
Le mieux du monde. Mon petit mari a vingt mille livres de rente, il m’en a déjà
donné la moitié, et l’usufruit du tout si j’ai un enfant. Oh, je n’oublie rien
pour empêcher notre bien de passer en des mains étrangères.
vieillard Quel malheur si je
laissais mon bien à des cousins au huitième degré!
arlequin Ces cousins-là vous
sont peut-être plus proches que les enfants de votre femme.
15 vieillard Ils ont
beau rire, nos cousins, ils ont beau rire; dans neuf mois je leur livre un
héritier.
arlequin C’est parler bien
positivement.
vieillard Oh, je sais la
recette présentement.
femme On
nous a appris le remède. Si nous l’avions su d’abord, vraiment, vraiment!
arlequin Vous avez été jusqu’à
soixante-dix-sept ans, sans trouver le remède! Ma foi, le mal est incurable.
Mais peut-on savoir quel est ce remède?
20 femme Bon!
Il n’y a point de femme qui ne s’en serve.
arlequin Pour cette cure-là,
certaines femmes emploient des remèdes qui ne sont guère approuvés des maris.
femme Oh,
c’est un remède innocent, celui-là.
vieillard Innocentissime. Les
eaux de Forges...[27]
arlequin J’y suis.
25 vieillard Croyez-vous
bien qu’un gentilhomme de mes voisins n’avait pu avoir d’enfants en
vingt-quatre ans de mariage?
arlequin Eh bien?
femme L’eau
de Forges lui en a donné.
arlequin Entendons-nous. Sa
femme a bu les eaux de Forges?
vieillard Oui.
arlequin Chez elle?
30 femme Vraiment,
cela n’opère que sur les lieux.
arlequin Son mari y fut avec
elle?
vieillard Non. Il lui donna seulement son valet de chambre pour l’accompagner.
arlequin Fort bien. Remède
innocentissime. Allez, bon homme, retournez-vous en chez vous si vous m’en
croyez, et laissez là des eaux qui ne sont propres qu’à remettre la poitrine
des actrices de l’opéra, et à pailler l’hydropisie de quelques filles de
mauvais aloi.[28]
femme Mais,
Monsieur...
35 arlequin Adieu.
Dénichez.
vieillard Cependant...
arlequin Que de raisons!
Allons, à d’autres. Qu’est-ce que ces figures-là?
SCENE
VI
Deux gasconnes (dont il y en a une
chantante), Arlequin.
gasconne (Chantante) Bargé se vou m’as un pau,
Plaigni m’un pau,
peccaïre,
Jo ne souffrissi tant
de mau,
Qu’io ne sabi que
faire,
Se sets à ma plaço,
jamay,
Bargé cossi vous
plaigneray.
arlequin En voilà d’un autre!
Voyons où cela ira.
ii
gasconne Ah
Mossu caigno de vous veyre! Votre servente de bon cor.
arlequin (À part) Diable! Elle est servante des bons corps? Mademoiselle, j’en
suis fort aise, mon corps se porte bien à votre service.
5 ii gasconne Ah,
mossu, vous souits plats aubligado, me fasets trop d’annou.
arlequin (À part) Elle est fatiguée de trop d’honneur? Que diable de gens
sont- ce? Vraiment, Mademoiselle, on sait bien que les gens d’au-delà de la
Loire se fatiguent aisément de trop d’honneur, mais je n’en croyais pas les
femmes tout-à-fait si rebutées.
ii
gasconne Mossu,
à cos quiconque ravis, que d’entendre tout ce que disons de vous, peccaïre.
arlequin (La contrefaisant) Disons de vous, pécaïre. De moy on dit que je
suis un pécheur? C’est selon, il y a telle femme pour qui je ne voudrais pas
avoir fait la moindre petite faute. Mais pour des minois gascons comme le
vôtre, on ne me trouvera jamais normand.
ii
gasconne Ah,
pécaïre! Que bous raisounats plat!
10 arlequin Oh oui,
fort bien, je raisonne au plat.
ii
gasconne Ah,
mossu, non disi pas accot.
arlequin Je ne paye pas mon
écot? Qui vous a dit cela?
ii
gasconne Cousino, cresi que se
truffo.
arlequin Comment des truffes? Est-ce que vous m’en apportez? Où sont vos truffes,
cousine? Allons donc. Mais vous reculez? Depuis quand les femmes de votre pays
ont-elles appris à reculer?
15 gasconne (Chante) Aro que souits
grandetto,
Jo ne reculi plus,
Ay connescut l’abus,
Cal estre doucetto,
Et per poudets charma
Me cal aima.
arlequin Diable! C’est chanter
cela! Et voilà une chanson que je trouverais fort jolie, si je l’entendais.
ii
gasconne Es plats jantio, mossu,
quello cançonetto. Ma fasés semblant de ne nou pas
entendre.
arlequin Ah, Mademoiselle, les semblants sont plus de votre pays que du mien. Ce
n’est pas qu’autrefois j’ai su un couplet de chanson, qui disait:
Quand
io eri pichotto,
Boulios
pas far l’amour;
Dari
que sois grandotto,
Boudrias
lo fa toujours. Flon flon, etc.
Mais
qu’allez-vous chercher toutes deux à Paris?
ii
gasconne Fortuno, mossu, fortuno. Dison que les gens de noustre païs, la fason tant vite.
20 arlequin Mais,
fortune pour une femme, c’est un mari.
ii
gasconne Ah,
mossu, vous venez tout d’un saut à l’essentiel. Eh, donc?
arlequin Eh donc. C’est bien
dit. Mais apprenez en votre patois, ce que vous trouverez où vous allez. (il chante sur un vaudeville)
Fillettes
qu’anas à Paris
Per
cercas amans et maris;
Troubares
prou fringaires, abé:
Ma
guère d’espousaires,
Bou
m’entendez bé.
ii
gasconne Anen,
cousino, anen, se truffo ma de nautres.
SCENE
VII
Monsieur de Colafon, maître
à danser, Arlequin.
Monsieur de Colafon a une jambe de bois,
deux fleurets sur les épaules, un livre de musique, et un violon
m. de
colaf. Serviteur
très humble, Monsieur.
arlequin Bonjour, bonjour.
m. de
colaf. Avez-vous,
Monsieur, besoin d’une petite leçon?
arlequin Avec tout cet
équipage, vous m’avez l’air de montrer le plus court chemin de l’hôpital
général.
5 m. de colaf. Non,
Monsieur, ce n’est pas cela.
arlequin Mais, que
voulez-vous, et qui êtes-vous?
m. de
colaf. Hélas,
Monsieur, sans exagérer, je puis me vanter d’avoir couru la fortune au galop;
mais à présent...
arlequin A présent je vous
défie d’aller au pas.
m. de
colaf. Si
vous connaissez mon talent, mon habileté, ma souplesse...
10 arlequin Et
quelle est votre profession?
m. de
colaf. J’étais
maître à danser à l’Opéra de Lyon, mais comme l’Opéra est tombé...[29]
arlequin Il vous est tombé sur
le corps, et vous voilà tout estropié?
m. de
colaf. Comme
l’Opéra est tombé, j’ai trouvé à propos de quitter la ville. Je n’avais pas
beaucoup d’écoliers, car mon fort est dans la danse haute, je n’ai pas la
patience, de montrer la danse basse.
arlequin Eh, qui diable aurait
la patience d’apprendre de vous? On disait bien que la danse était mal à
cheval, mais je ne la croyais pas si mal à pied.
15 m. de colaf. Oh,
Monsieur, j’ai renoncé à la danse.
arlequin C’est bien fait.
m. de
colaf. Je
me suis jeté dans le fleuret...
arlequin Tant pis, diable, tant
pis!
m. de
colaf. Bon!
Je suis le premier homme du monde, pour escrimer. C’est moi qui ai eu l’honneur
de mettre les armes à la main aux trois quarts de la petite gendarmerie de la
rue Au-fer, et de la rue Saint-Denis.
20 arlequin Tudieu!
Quels écoliers!
m. de
colaf. Vous
allez voir ce que je sais faire. Allons, faites assaut contre moi.
(le maître à danser présente un fleuret à
Arlequin qui le refuse d’abord, et le prend enfin. Après avoir escrimé quelques
moments, le maître à danser sort un pistolet, et fait rendre la bourse à
Arlequin, et s’en va en disant) Voilà une de mes bottes franches.
arlequin Au voleur, au voleur!
Mais voici peut-être quelqu’un de ses camarades. Taisons-nous, de peur qu’il ne
nous en coûte la vie.
SCENE
VIII
Arlequin, Madame de l’Architrave.
Madame de l’Architrave accompagnée
de plusieurs maçons avec leurs outils, salue Arlequin.
arlequin Hé bien, Madame, qu’est-ce?
Qu’y a-t-il? Quoi de plus? De quoi est-il question? Que demandez-vous? Et que
veulent tous ces visages de plâtre? Venez-vous me montrer quelque autre botte
franche?
m. de l’arch. Monsieur,
je suis une fabricatrice de niches humaines, un antidote contre les injures du
temps, un répertoire de la commodité des saisons, un alambic des aises; de la
vie; architecte à votre service, commandant pour l’honneur de vos
commandements, une escouade de Limousins.
arlequin Eh bien, Madame, du
répertoire, de l’alambic, et de l’escouade limousine, de quoi est-il question?
m. de l’arch. D’une petite affaire de rien
touchant notre métier; de bâtir une ville.
5 arlequin Une
ville? Il n’y en a déjà que trop. Quand les
hommes logeaient dans le bois, ils étaient humains, et ne se mangeaient pas les
uns les autres. Le séjour des villes les a gâtés, les a rendus féroces, et plus
ours et plus tigres que les ours et les tigres qu’ils ont laissés dans les
forêts.
m. de l’arch. Oh, cela est vrai; et
cependant nombre de gens qui veulent profiter de votre philosophie, viendront s’établir
ici, et vivre avec vous sous vos lois.
arlequin Une ville?
m. de l’arch. Sans doute, une ville pour
les mécontents; elle sera peuplée dans un instant. Vous aurez d’abord tous ces
importants d’office, qui se plaignent éternellement que la Cour, qui ne les connaît
pas, ne fait rien pour eux. Ces mères coquettes désespérées du mauvais goût des
hommes, qui les quittent pour leurs filles. Ces grisettes de conséquence, qui
croient que les privautés d’un duc ou d’un marquis, leur ont acquis des droits
incontestables sur le carrosse et le nombre de laquais. Ces gens de lettres
pestant éternellement contre l’injustice de la fortune, et la dureté du siècle,
et surtout ce nombre presque infini d’auteurs altérés, dont tous les théâtres
regorgent.[30]
arlequin Voilà une architecte qui a du bon. Vous êtes de belle humeur, Madame?
10 m. de l’arch. Pour
vous servir, Monsieur. L’air joyeux, est la première partie d’un architecte. Si
nos bâtiments ne sont riants, je n’en donnerais pas une nèfle. La joie, la
joie, partout! Il faut de l’air dans les maisons, la vue libre, l’abord aisé, l’aspect
gracieux, les avenues faciles, les faux-fuyants commodes, et les sorties
borgnes et à discrétion.
arlequin Voici une femme rare!
Vous êtes donc bien employée, Madame?
m. de l’arch. Oui! Mais je n’aime à
travailler que pour de jeunes veuves, et pour des gens d’affaires; ce sont là
les gens de bon goût, il faut primer avec eux. Ils ont plus d’invention et de
goût pour placer une chaise percée, que les autres pour arranger un cabinet.
arlequin Les abbés ne sont-ils
pas de ce nombre? Vous les oubliez?
m. de l’arch. Oh, point, ce sont des goûts
différents. Les abbés appuient sur la cuisine, sur la cave, et les fausses
portes des ruelles.
15 arlequin Vous avez raison, diable! Cette femme l’entend!
Est-ce vous qui avez inventé de mettre toutes les fenêtres en portes, surtout
du côté des jardins?
m. de l’arch. Je n’ai pas trouvé cette
invention, mais je l’ai perfectionnée! Vous allez voir ici de quoi je suis
capable.
arlequin Je vois bien qu’il
faut s’y résoudre, il faut bien loger tant de gens qui viennent ici. Car de quoi est-il question? Je vous avertis par
avance que je veux une ville, qui ne ressemble en rien à Paris, où l’on ne paye
point de boues ni de lanterne, et dont les rues ne servent que pour les
chevaux, les mulets, les crocheteurs, et les autres bêtes de voiture.
m. de l’arch. Je suis votre fait. Voici
comme je m’y prendrai. Je ferai qu’il y aura partout des balcons publics qui
régneront sans interruption de maison en maison, et qui feront un saut
par-dessus les rues qu’ils traversent; les lumières qui éclairent les chambres
éclaireront les balcons; toutes les fenêtres
seront des portes pour la commodité du public, et après cela ce sera la faute
des particuliers s’ils ne se rendent pas visite.
arlequin Oui, mais cette
commodité me paraît trop commode. L’occasion fait le larron. Ces balcons et ces
fenêtres de communication sont cause que l’on communique plus qu’il ne faut. Tenez, depuis que vous avez inventé à Paris et à
la campagne, ces larges gouttières en forme de corridor autour des mansardes,
les jolies femmes ne logent plus qu’au grenier, et les hommes comme des chats
passent la nuit sur les gouttières.
20 m. de l’arch. Oh,
Monsieur, c’est un abus que de s’abuser sur cela, les chats suivront toujours
les chattes, et les femmes trouveront toujours des matous qui les suivront.
arlequin Je pense qu’elle a
raison, c’est un mal sans remède. Mais revenons à notre ville.
m. de l’arch. Nous pourrons fort bien la
bâtir sur cette rivière qui est ici près: cela sera fort bien commode.
arlequin Peste! Gardez-vous en
bien. Une rivière? Et nous y verrions dans rien établir des moulins de
javelles, des charentons, des ports à l’anglaise, des îles... Enfin je ne veux
point de rivière.
m. de l’arch. Soit, soit, je suis
accommodante. Il faudra donc la bâtir ici, et ce grand espace nous servira pour
faire un beau jardin public, précédé d’une grande avenue d’arbres.
25 arlequin Eh oui,
oui, un jardin! Voilà-t-il pas Paris tout revenu! Je ne veux ni Cours ni
Tuileries, entendez-vous, parce que je veux bannir de notre ville la
coquetterie et la médisance.
m. de l’arch. J’ai tout prévu, je m’en
vais commander mon escouade et placer mon monde dans les postes convenables. (Madame de l’Architrave se retire, et en même
temps tous les maçons qui l’accompagnaient bâtissent en dansant, un magnifique
palais)
arlequin Diantre! C’est bâtir
bien gaiement! Mais pour qui destinez-vous cette habitation superbe?
maçon Superbe,
Monsieur? Bon! C’est la maison de campagne
d’une fille de l’Opéra. Ce n’est rien que cela; si vous voyiez comme elle est
meublée!
arlequin Est-ce que vos
maisons se meublent à mesure qu’on les bâtit?
30 maçon Elles
sont faites, meublées, et occupées tout à la fois. Tenez, voilà l’opératrice en
question, sans doute elle veut répéter quelque chose.
(La chanteuse sort du palais, avance sur le
théâtre, et chante)
Miei spirti amorosi,
Brillatem’in
sen:
Amor
vuol ch’io posi
In
braccio al mio ben,
Miei spirti, etc.[31]
arlequin Mais voilà qui est
étonnant! Je n’aurais jamais cru une fille d’Opéra si magnifiquement logée.
maçon Il y
a quinze jours qu’elle occupait un grenier, et il n’est pas bien décidé si elle
ne retournera pas à son premier gîte. En un mot, si vous voulez voir les
fortunes de théâtre, les voilà. Un moment les élève, un moment les détruit. (tout le palais se détruit)
ACTE III
SCENE
I
Arlequin, Colombine.
arlequin Je ne fais pas l’amour, Madame, en jeune sot
Et
je ne sais pas longtemps tourner autour du pot,
Je
vais d’abord au fait. Je vous aime, ma reine,
Vos
yeux comme un forçat me tiennent à la chaîne;
Mais
sans perdre le temps en fades compliments,
Songez
que les déserts sont faits pour les amants,
Profitons-en.
colombine Jamais d’une si brusque flamme
Le pétulant aveu ne touchera mon âme;
Mais
hélas! Suis-je encore maîtresse de mon cœur?
Vous
le savez, Octave...
arlequin Oh ma foi, serviteur,
Pour
donner là-dedans je sais trop bien l’usage;
Ma
mignonne, il n’est plus de novice à votre âge:
À
dix-huit ans passés quand on a de l’esprit,
Le
changement d’amant réveille l’appétit.
Du
lieu d’où vous venez oubliez-vous la mode?
Voulez-vous
des romans pratiquer la méthode?
À
lorgner dans un bois croyez-vous m’obliger?
En
Céladon moderne allez-vous m’ériger?
Un
héros de Cyrus sans crainte de faiblesse,
Pouvait
impunément enlever sa maîtresse,
Avec
lui sans façon la belle s’embarquait,
Il
ne lui baisait pas le petit bout du doigt.
Ces
braves chevaliers par combats et prouesses,
Envers
et contre tous défendaient leurs princesses;
Mais
tout bien compassés, ces valeureux nigauds
N’étaient
de leur honneur que les custodicos.
Comme
ce temps n’est plus, un autre a pris sa place,
Les
choses aujourd’hui se font de bonne grâce,
Et
dès qu’en pareil cas l’amant sait demander,
De
son côté la belle est prête d’accorder.
Vous
connaissez l’amour, je le connais de même,
Nous
sommes seuls ici, Madame, et je vous aime.[32]
colombine L’ai-je bien entendu? Quelle
surprise, ô Dieu!
Que
me proposez-vous? Ah trop funestes lieux!
À
de pareils propos me serais-je attendue?
Seigneur,
rendez le calme à mon âme éperdue.
Voulez-vous
tout de bon... Non c’est pour m’éprouver.
5 arlequin Madame,
en mes panneaux je n’irai pas crever.
Quel
sot!
colombine Ah, Seigneur, vous êtes philosophe?
arlequin Bon bon! Nous sommes
tous faits de la même étoffe;
Et
philosophe, ou non, Madame, il est écrit
Que
l’on a de l’amour, quand on a de l’esprit.
Cet esprit voit en vous de quoi me
satisfaire,
Vos
petites façons ont le secret de plaire,
Et
le sort me donnant femme et lieux à mon choix,
Je
crois qu’il ne faut pas que j’en fasse à deux fois.
colombine Vous ne rougissez pas d’avoir
tant de faiblesse,
Vous
que l’on voit prêcher une austère sagesse?
Vous
qui vous gendarmez sur les défauts d’autrui?
arlequin C’est là le grand
talent du sage d’aujourd’hui,
Loup-garou,
fier, hargneux, farouche, impraticable,
Sur
les moindres défauts toujours inexorable,
Regardant
les plaisirs d’un œil indifférent,
Voilà
comme il se montre au vulgaire ignorant.
Mais
quand se dérobant aux yeux de tout le monde
En
un réduit rustique il peut mener sa blonde,
Qu’il
sait bien au milieu des plaisirs les plus doux,
Epuiser
de l’amour les plus exquis ragoûts!
Tout
cela ne nuit pas à l’austère sagesse,
Et
la vertu ne gît qu’à cacher sa faiblesse,
Ne
vous entêtez point d’un chimérique honneur,
Croyez-moi.
10 colombine Je
ne puis en revenir, Seigneur.
Quoi
vous, qui détestant tous les mauvais usages;
Cherchez
de la vertu dans ces antres sauvages,
Qui
voyez en pitié le reste des humains,
Osez
faire éclater de criminels desseins?
Mais
quand il serait vrai que votre âme enflammée,
De
mes faibles attraits se sentirait charmée,
Faut-il
presser les gens, faut-il brusquer les cœurs?
Si
vous avez pour moi de sincères ardeurs,
D’un
air moins violent faites-le moi paraître.
arlequin La mode est aujourd’hui
d’aimer en petit-maître,
C’est
le goût général, Madame, et les abbés
Même
avant les robins y sont enfin tombés.
Tous
nos hommes ont l’art d’attaquer et de prendre.
Mais
nos femmes n’ont pas celui de se défendre.[33]
colombine Mais nous voyons pourtant de
graves magistrats.
Des
abbés réservés...
arlequin Ne vous y fiez pas,
Tel
qu’on voit en public faire le bon apôtre,
Sous
deux doigts de verrouil, est homme comme un autre,
La
différence enfin du rabat au plumet,
Se
réduit à ceci: l’un dit plus qu’il ne fait,
L’autre
en ses actions tout rempli de mystère,
Sait
chercher son plaisir, en jouir et se taire.
Mais
qui vient nous troubler en ce doux entretien?
Examinons
si c’est ou quelque chose, ou rien.
Vous
fuyez mes transports, en amante discrète?
Allez,
j’irai bientôt être leur interprète.[34]
SCENE
II
Arlequin, Monsieur de la
Cabriole (maître à danser), Monsieur de Geresol (maître à chanter) (ils font
plusieurs révérences).
arlequin Quelle révérence!
Encore... Ouf. Je n’y saurais durer.
m. de
geres. Je ne
sais, Monsieur, si vous nous connaissez.
arlequin Non, et je n’en ai
même aucune envie.
m. de
geres. Nous
venons vous assurer de nos respects.
5 m. de la cab. Nous n’avons pas voulu manquer cette occasion de vous
faire la révérence.
arlequin En voilà plus de
quinze de faites.
m. de
geres. Vous
voyez, Monsieur, dans Monsieur de la Cabriole, les meilleurs pieds et la plus
belle jambe du monde. C’est le héros des chaconnes et des rigodons.[35]
m. de la
cab. Monsieur
de Geresol est de mes amis, il me flatte; mais il parlerait plus sincèrement, s’il vous disait qu’il est le Lulli de
quatre-vingt-seize.[36]
arlequin À vous la balle,
Monsieur.
10 m. de geres. Monsieur
de la Cabriole est le coryphée des danseurs.
m. de la
cab. Monsieur
de Geresol est la fleur, et le crème des musiciens.
arlequin Eh bien, Monsieur le
Coryphée, et vous Monsieur la Crème, que voulez-vous?
m. de
geres. Vous
faire une proposition que vous ne pouvez refuser.
m. de la
cab. Vous
donner des moyens assurés de joindre l’agréable à l’utile.
15 arlequin Promesses
de musicien!
m. de
geres. Dites
un mot, et nous vous faisons trente mille livres de rente.
m. de la
cab. Vous
vous enrichirez sans appauvrir personne.
arlequin Ce n’est guère la
manière de ce temps-ci. Mais enfin?
m. de la
cab. Mais
enfin, si vous voulez nous croire, vous ferez dans votre nouvelle ville, une
académie de danse et de musique.
20 m. de geres. Il n’y a
pas de divertissement plus agréable au public, ni plus utile aux particuliers.
arlequin Il est vrai que
personne ne se plaint de l’Opéra, et que tout le monde y trouve son compte.
m. de la
cab. Son
compte! Et sans l’Opéra que deviendraient les bons airs, les pieds bien
tournés, les visages plâtrés, et les jolis gosiers?
arlequin Il est vrai. Sans l’Opéra
comment subsisteraient tant d’honnêtes fainéants? Que deviendraient tant de
beautés, qui tirent tout leur mérite de l’orchestre?
m. de la
cab. L’Opéra
est un trésor inépuisable dont on ne voit jamais le fond.
25 m. de geres. C’est un
abîme, un labyrinthe de ressources qu’on ne connaît qu’à mesure qu’on les
creuse.
m. de la
cab. Tout
y rapporte son revenu jusqu’aux rides d’une coquette surannée.
m. de
geres. C’est
une terre où on sème des sons et des gambades pour recueillir des pistolets.
arlequin Mais encore, sur quoi
assignez-vous les trente mille livres de rente que vous avez proposées?
m. de la
cab. Sur
la souplesse de mon jarret. (il saute)
30 m. de geres. Sur la
douceur de mon gosier. (il fredonne)
m. de la
cab. Sur
la fraîcheur d’Oriane.[37]
m. de
geres. Sur
les petites façons de Corisande.[38]
m. de la
cab. Sur
les minauderies des chanteuses.
m. de
geres. Sur
le blanc et le rouge des danseuses.
arlequin Sur les brouillards
de la rivière de Seine, et sur la constance de l’amour. Je ne vois point mes
sûretés là-dedans, et il me semble qu’une chaconne, et une sarabande ne sont
pas des marchandises de bon débit.
35 m. de la
cab. Eh,
morbleu, si vous êtes si délicat, tant pis pour vous; mais sachez qu’aujourd’hui
dans le commerce, les meilleures lettres de change sont celles qu’on tire sur l’Opéra.
m. de
geres. Et
qu’un créancier remet toujours le tiers de la dette, pour une rescription sur
la caisse de l’Académie Royale de Danse et de Musique.
arlequin Je le crois. Mais je
ne suis point tenté; je ne veux dans la ville que je bâtis, ni musiciens, ni
danseurs, il n’y aura que des gens sobres.
m. de la
cab. Ma
foi, Monsieur le petit fondateur, nous y perdrons beaucoup! La menace est
terrible, mais l’Opéra de Lyon nous tend les bras.
m. de
geres. Et
en tout cas, il ne tiendra qu’à nous d’assister au rétablissement de celui de
Rouen.
40 arlequin À la bonne heure.
m. de la
cab. Pour
votre petite bicoque, tout y sera de travers; et puisque vous en excluez les
maîtres à danser, jamais rien n’y sera sur le bon pied.
arlequin Soit.
m. de
geres. Que
les habitants de cette ville ne puissent jamais ouvrir la bouche sans détonner.[39]
m. de la
cab. Que,
quand ils voudront danser la courante, ils dansent le rigodon.[40]
45 m. de
geres. Qu’ils
chantent par bécarre les airs de bémol.
m. de la
cab. (En s’en allant) En un mot, qu’ils soient
impolis, mal-faits, et sans goût, comme des gens qui méprisent la danse et la
musique.
m. de
geres. (En s’en allant) Que les femmes y aient
des maris jaloux, et soupirent inutilement après un maître à chanter, pour
rendre leurs billets.
arlequin Quelles imprécations!
Mais voici mon architecte.
SCENE
III
Madame de l’Architrave, Arlequin.
m. de l’arch. Ma foi, Monsieur, voilà qui
ne va point mal, j’ai mis bien des gens en besogne, la ville s’avance, et nos
ouvriers travaillent comme il faut.
arlequin Comment, travaillent?
À peine avez-vous eu le temps de faire le plan de ce que vous avez à bâtir?
m. de l’arch. Bon! Vous me prenez donc
pour un architecte d’eau douce? J’ai déjà fait mettre des écriteaux pour
attirer des acheteurs et des locataires.[41]
arlequin Elle est folle? Quoi,
des maisons qui ne sont pas encore faites...
5 m. de l’arch. Vous
voilà bien nouveau! Et ne savez-vous pas qu’il est à présent du bel usage de
vendre les maisons dix ans avant d’en jeter les premiers fondements?
arlequin D’accord. Mais il
faut...
m. de l’arch. Et, que diriez-vous donc, si
je vous montrais à présent les troisièmes étages tout faits?
arlequin Je dirais, je
dirais... Morbleu, je ne dirais rien, et je dis que vous êtes une extravagante.
m. de l’arch. Mais sérieusement je vous
dis, que c’est là ma manière, je commence toujours par le haut, on travaille
ensuite au reste.
10 arlequin La
folle!
m. de l’arch. Chacun a son humeur, les uns
bâtissent sur la terre, d’autres sur la mer: pour moi l’air est mon élément; je
bâtis toujours en l’air. Mais parlons d’autre chose. Ces trois filles, ou
soi-disant telles, qui ont deux doigts de plâtre sur le nez, et qui sont
arrivées avec un vieux commandeur dans un carrosse, dont les chevaux semblaient
prêts à rendre l’âme...
arlequin Eh bien?
m. de l’arch. Eh
bien, elles disent qu’elles s’accommoderont du troisième étage de la maison qui
fera le coin auprès du marché, à condition que vous leur ferez faire une allée
à part, et une porte de derrière sur la petite rue.
arlequin Les allées à part, et
les portes de derrière sont merveilleuses, pour donner de l’air à l’honneur d’une
femme. Mais gare le serein.[42]
15 m. de l’arch. C’est
de l’argent comptant, elles payeront le premier quartier d’avance.
arlequin Elles
feront bien. Tout le monde n’est pas en humeur de se payer par ses mains comme
leur dernier hôte.
m. de l’arch. Il est encore venu un
procureur qui prendra la maison la plus élevée de la grande rue: mais il lui faut
cinq pièces parquetées au premier étage. C’est pour loger sa femme.
arlequin Un procureur? Je ne
veux point de cette vermine dans l’enceinte des murs. Aux faubourgs, aux
faubourgs.
m. de l’arch. Ah, Monsieur, gardez-vous en
bien; il ferait payer à ses parties ce qu’il lui en coûterait pour se faire
voiturer au palais. Nous ne sommes pas dans un temps où le procureurs puissent
aller à pied.
20 arlequin Madame
de l’Architrave?
m. de l’arch. Monsieur?
arlequin Avez-vous fait le
plan de petites maisons?[43]
m. de l’arch. De
petites maisons? Et vous ne voulez, dites-vous, que des gens raisonnables.
arlequin Il me faut de petites
maisons, vous dis-je. Mais je les voudrais petites, petites.
25 m. de l’arch. Eh
pourquoi si petites, dès qu’il vous en faut?
arlequin C’est que j’y veux
enfermer les gens raisonnables, de peur que le commerce des autres ne les gâte.
Vous voyez qu’il ne faut pas pour cela grand espace.
m. de l’arch. À propos, que voulez-vous
faire de ce grand hôpital d’incurables?
arlequin Diable, faites-le
grand. Je le destine pour loger les marchands qui vendent à crédit aux gens de
cour, les vieilles qui épousent de jeunes gens: s’il y avait place, j’y
logerais aussi les amants contemplatifs et les filles qui s’embarquent sur la
parole des épouseurs.
m. de l’arch. On y travaille déjà, il sera
au coin de la grande place vis-à-vis l’horloge.
30 arlequin Comment
l’horloge? Je ne veux dans ma ville ni horloge ni cadran.
m. de l’arch. Point d’horloge?
arlequin Non, sans doute, je
veux qu’on fasse toutes choses selon l’occasion, et l’opportunité, et qu’on ne
se règle pas sur un coup de marteau. D’ailleurs, les femmes des gens de robe n’entendant
pas sonner les heures, ne se précautionneront pas contre l’arrivée du mari, qui
trouvera au retour du palais les galants à la toilette de sa femme.
m. de l’arch. Quelle malice!
arlequin Et les écornifleurs n’entendant
jamais sonner midi, ne se précautionneront pas pour dîner en ville.
35 m. de l’arch. Oh, pour
cela, précaution inutile, je vous garantis les parasites suffisamment avertis
par l’acide de leur estomac, et assez réveillés par l’odeur des viandes. Mais
qui est cet homme qui vient? Ne serait-ce point quelque futur habitant?
arlequin Nous allons voir.
m. de l’arch. Pour moi je vais donner
ordre à tout, afin que les choses s’avancent.
SCENE
IV
Le libraire, Arlequin.
libraire Vous voyez, Monsieur,
un homme qui, si la fortune lui en avait dit, se serait tenu en carrosse aussi
bien qu’un autre. Je n’ai jamais manqué de cœur, Dieu merci, et j’ai bien
autant d’ambition qu’aucun libraire de Paris.[44]
arlequin Ce n’est pas peu.
libraire Quand à moi, je crus
en m’établissant, qu’une belle femme était le premier ornement d’une
bibliothèque, et qu’un joli minois faisait plus d’effet derrière un comptoir,
que cent in folio sur des tablettes.[45]
arlequin Il y a du vrai à
cela, au moins; et je connais plus d’un marchand dont l’étalage vaut mieux que
le fonds.
5 libraire Je
choisis pour épouse une jeune personne, belle, bien faite, de bon air, et par
dessus cela, bel esprit, et bel esprit juré.[46]
arlequin Ce dernier point n’est
pas tout à fait décisif pour la paix du ménage, et pour la douceur du commerce.
Mais enfin, votre moitié vous attirait-elle bien des chalands?[47]
libraire Mon heureuse boutique
ne désemplissait point: à quelque heure qu’on y vînt, ou y trouvait gens d’épée,
de robe, de finance, abbés, et surtout grand nombre de provinciaux.
arlequin Tous ces gens-là
attirés bien plus par les agréments du tendron que par l’envie d’acheter des
livres?
libraire C’est ce que je n’ai
jamais bien pu décider; car quoi qu’ils parussent fort empressés auprès de ma
femme, et qu’il n’y en eût pas un, qui par-ci par-là, ne lui décochât quelque
fleurette; ils ne laissaient pas d’acheter fort cher les bagatelles que me
fournissaient trois grands diseurs de rien, et un auteur femelle, dont la plume
avait encore plus de rapidité que la langue.
10 arlequin Je ne m’étonne
pas si elle a fait tant de volumes.
libraire C’était une aimable
femme. Elle faisait un livre en une nuit.
arlequin Les jolies femmes de
ce temps-ci, n’emploient pas si mal les leurs. Mais comment en usait la vôtre?
libraire Le mieux du monde, et
je n’ai jamais vu personne se plaindre d’elle.
arlequin Femme si accommodante
accommode pour l’ordinaire un mari de toutes pièces.
15 libraire Oh,
pour moi j’ai cela de bon, je ne suis point sujet au mal de tête. Il est vrai
que quelques contrôleurs de profession remarquaient que de mes enfants aucun ne
me ressemblait, et qu’ils avaient de l’air, l’un d’un colonel, l’autre d’un
jeune magistrat, à qui j’ai dressé une bibliothèque de romans.
arlequin C’est-à-dire qu’il en
était de vos enfants comme de ces livres dont l’épître dédicatoire est sous
votre nom? Vous faisiez les honneurs de l’ouvrage d’autrui.
libraire Ma foi, si on
regardait de si près, on trouverait autant de plagiaires dans les familles que
dans la république des lettres. Heureux qui sait s’accommoder de sa femme! Je
me trouvais fort bien de la mienne; et tant qu’elle a été jeune et jolie, j’ai
triomphé. Mais à présent qu’elle n’est que jolie sans être jeune...
arlequin Vous n’avez plus
cette affluence dans votre boutique?
libraire Pardonnez-moi, j’ai
encore assez de gens chez moi. Mais, Monsieur, ma femme a plus de quarante ans.
20 arlequin Ainsi
ils n’y viennent que pour la conversation?
libraire Justement. Ils ont
fait de ma boutique une académie de beaux esprits, où ma femme régente parmi
les historiens, les poètes, et les diseurs de bons mots.
arlequin Il faut bien de ces
gens-là pour échauffer une cuisine.
libraire Que voulez-vous, j’ai
dupé le public, et le public m’a dupé; chacun à son tour... Je lui troquais d’abord
des bagatelles pour de bon argent, il les prenait avidement; je crus qu’il se
laisserait tromper plus longtemps, et me donnerait celui de faire une fortune
complète.
arlequin Le public est un
compère capricieux dont il faut brusquer le goût: pendant qu’il vous en disait
que n’en profitiez-vous mieux?
25 libraire Si je
puis revenir sur l’eau, que je profiterai de vos avis! Plus de romans, ni d’historiettes,
j’y renonce... De bons livres de maximes et de caractères. Ce sont ceux-là dont on voit en quatre mois
doubler le prix, et multiplier les éditions. Voilà ce qui fait rouler un
libraire en carrosse.
arlequin Cela n’est pas
tout-à-fait sûr, le goût change là-dessus; et on se replonge dans la bagatelle.
Ainsi, si vous voulez avoir de l’argent du public, il faut l’endormir par des
contes de fées, et le réveiller par des rapsodies, ou l’amuser par de petits
jeux, comme le gage-touché, cache-mitoulas, et colin-maillard. Voilà des titres
cela![48]
libraire Ah, Monsieur, si vous
me permettez de m’établir dans votre ville, voilà les livres par où je
débuterai. Le Gage-touché! Quel effet
dans une affiche!
arlequin Fort bien, nous
penserons à cela une autre fois; laissez-moi un moment en repos.
libraire Je vais en écrire à
ma femme. Qu’elle sera aise de venir débiter ici ses romans en style coupé!
Pour peu que vous y donniez la main, notre fortune est faite.
30 arlequin Adieu,
bonsoir, et bonne nuit.
libraire (en s’en allant) L’heureuse rencontre! L’heureuse rencontre!
SCENE
V
Un peintre, Arlequin.
peintre Comme tout ce qu’il y
a d’illustres dans le monde, semble s’être donné rendez-vous pour venir peupler
votre nouvelle ville où vous ne voulez rien de commun, agréez que je vous
présente un homme en sa manière des plus extraordinaires qui se fassent.
arlequin Où est-il?
peintre Le voilà.
arlequin Je le crois. Mais qui
êtes-vous?
5 peintre Monsieur,
je suis un original sans copie, un poète muet, un imposteur de bonne foi, un
beau morceau moderne qui ne deviendra que trop antique avec le temps.
arlequin Et avec tout cela,
vous êtes gueux comme un peintre?
peintre Il est vrai qu’un
peintre ne va pas si tôt en carrosse qu’un caissier; mais enfin, on ne laisse
pas de se tirer d’intrigue; et depuis que les gens d’affaires se sont jetés
dans le goût des tableaux, notre profession est un peu réconciliée avec la
fortune. D’ailleurs, j’ai un talent merveilleux pour le portrait.
arlequin Et attrapez-vous bien
l’air des gens? Faites-vous ressembler?
peintre À merveille...
J’attrape cela... Le tour du visage, le feu des yeux, le coloris du teint... Il
n’y a pas un de mes portraits qui ne ressemble parfaitement.
10 arlequin Et avec
ce beau talent, peignez-vous bien des femmes?
peintre Oui, dea.
arlequin Vous peignez des
femmes, et vous faites ressembler? Poursuivez, mon ami, poursuivez, vous êtes
dans le grand chemin de l’hôpital. Un bon peintre de femmes doit être un
imposteur de profession.
peintre Cela est vrai. Il y a
quelque temps qu’une vieille marquise me pria de faire son portrait, je fus
assez sot pour me piquer de sincérité, je la peignis comme deux gouttes d’eau.
arlequin Eh bien?
15 peintre Elle
ne se vit pas plutôt comme la nature l’avait faite, qu’elle voulut me faire
jeter par les fenêtres, disant que je la rendais hideuse. À huit jours de là,
je lui portai un portrait que j’avais fait d’une jolie petite personne de
dix-huit ans. Je lui dis que c’était le sien que j’avais raccommodé, elle me
fit donner cinquante pistolets, et publie partout, que je suis le premier homme
du monde.
arlequin Bon! Si l’on peignait
les gens tels qu’ils sont, ils se feraient peur les uns aux autres.
peintre À vous parler
naturellement, mon grand gain n’est pas de faire des portraits.
arlequin À quoi donc
gagnez-vous davantage?
peintre À retoucher les
anciens originaux.
20 arlequin Quoi, vous vous mêlez de barbouiller ce qui nous
reste de l’antiquité?
peintre Vous ne m’entendez
pas. Je dis que je travaille sur les vieux originaux naturels.
arlequin Encore moins.
peintre N’avez-vous jamais vu
un visage sur lequel les années ou la petite vérole ont sillonné des trous, où
les amours à coup sûr ne jouent plus à la fossette... Tac... Tac... Je vous
remplis cela, et rétablis à une face sexagénaire un embonpoint de dix-huit ans.
arlequin Ah, vous êtes fort
intelligible à présent.
25 peintre Je
répands sur des joues décrépites un incarnat... Oh, ma foi, cinq ou six coups
de pinceau touchés à propos, donnent un terrible soufflet à l’extrait
baptistaire le mieux collationné.
arlequin La malepeste! Vous
devez être à votre aise avec un si beau talent. Mais ne s’aperçoit-on pas que
ce n’est que de la peinture?
peintre Bon! Si vous aviez vu
une paire de sourcils que j’ai livré il y a huit jours à une vieille
présidente, vous y seriez trompé vous-même. Son mari ne s’en aperçut qu’en y
regardant avec ses lunettes.
arlequin Monsieur le peintre,
ne pourriez-vous pas me montrer quelque chose de votre façon?
peintre Volontiers. J’ai une
pièce curieuse... Holà, ho, apportez ce tableau. (on apporte un tableau qui représente un abbé avec un habit brodé, et
une cravate en Steinkerque) Voyez cela. Est-ce bien peint? Tenez, pour qui
prendriez-vous cet homme-là?[49]
30 arlequin Pour un
colonel, s’il avait une épée.
peintre Bon? C’est un abbé
qui a voulu se faire peindre dans cet habit-là. C’est son habit d’occasion, et
celui-là même dans lequel il fut ces jours passés volé, et battu, en faisant
porter son souper en ville. Mais ce serait bien pis si vous le voyiez à sa
toilette.
arlequin Comment donc?
peintre Il a voulu que je le
peignisse en déshabillé. Voulez-vous le voir?
arlequin Est-ce que vous l’avez-là?
35 peintre Et n’ai-je
pas le secret de changer ce tableau comme il me plaît? Voyez, voyez. (le tableau change, et l’abbé paraît devant
une toilette pleine de carrés, de pots de pommade, et de rouge)[50]
arlequin Oh parbleu, Monsieur
le peintre, vous vous moquez de moi. C’est une femme.
peintre Oui vraiment une
femme! Les femmes de ce temps-ci y sont bien plus cavalièrement. Tenez, voilà
une toilette de femme. (le tableau
change. Une femme paraît devant une table pleine de bouteilles de ratafia. Elle
a une pipe à la bouche et un verre à la main)
arlequin Oh, pour celui-là, je
ne m’y attendais pas.
peintre Voulez-vous voir votre
portrait en petit? J’ai tous les gens illustres. Voyez. Cela vous
ressemble-t-il? (on voit un petit
Arlequin dans le tableau qui salue, descend, danse et s’en va)
SCENE VI
Octave,
Scaramouche, Colombine (cachée).
colombine Voilà l’homme que j’ai vu tantôt avec mon prince, cachons-nous, et écoutons
ce qu’il dit.
scaramou. Ah, amour, amour, petit
scélérat, que tu fais faire de folies! Il n’y a pas jusqu’au cerveau d’un
comédiens que tu ne t’avisé de déranger. Octave était habile, goûté de tous
ceux qui l’écoutaient, il s’est avisé de devenir amoureux, et n’est plus qu’un...
Ma foi, Monsieur, Octave, ce n’est pas là votre métier, et pour un comédien qui
s’est enrichi à faire l’amour, j’en connais trente qui s’y ruinent. Mais le
voilà. Comme il est fait! Le pauvre garçon me fait pitié. Eh bien, comment va
le cœur?
octave Ah! Mon pauvre
Scaramouche, je suis le plus malheureux de tous les hommes, j’adore Colombine.
scaramou. Le grand malheur! Si vous l’aimez,
elle ne vous hait pas; et je suis bien trompé si elle ne vous cherche.
5 octave Et c’est
ce qui me confond. Elle me croit un homme de grande qualité, elle ne s’est
embarquée que sur cette espérance, et je dois mourir de honte d’avoir abusé de
sa crédulité.
scaramou. Allez; allez, nous sommes
dans un temps où l’on ne meurt pas plus de honte que d’amour.
octave Admire la cruauté de
ma destinée! Je fuyais Colombine, je commençais à sentir que je guérissais,
lorsque quelque démon ennemi de mon repos me la fait trouver en ces lieux,
comme par enchantement, et redonne à mon cœur toute sa première sensibilité.
scaramou. Vous
l’aimez, elle vous aime... Hem? Y a-t-il tant de façons? Epousez-là.
octave Que je lui donne un
comédien, après lui avoir promis un prince?
10 scaramou. Elle ne
serait pas la première qui aurait fait succéder à un grand seigneur, un homme
de moindre étoffe. De tout temps la comédie s’est faufilée avec les gens du
beau monde.
octave Je ne puis me
pardonner de l’avoir trompée.
scaramou. Tarare, pardonner! Les
femmes sont plus indulgentes que vous ne pensez, pourvu que...[51]
octave Mon cher Scaramouche,
je t’ouvre mon cœur. Quelque envie que
j’eusse de rester en ces lieux, il faut absolument que je m’en arrache, j’irai
me cacher quelque part au bout du monde, où je ne verrai jamais...
colombine (paraît) Tu ne me verras jamais, traître! Tu m’as trompée, et tu
veux me fuir?
15 octave Ah,
ciel!
colombine Vous m’aimez, Octave? Vous m’aimez?
Quelle preuve vous m’en donnez! Partir sans me dire adieu!
scaramou. Voici bien une autre
histoire!
octave Vous vous abusez,
Madame, je ne suis pas...
colombine J’ai tout entendu, j’ai
appris ce que vous êtes de votre propre bouche, et mon cœur a raison de se
plaindre du peu de confiance que vous avez en mon amour. Vous ne savez pas aimer, Octave. Avez-vous pu
croire que je n’aimasse en vous que la grandeur qui paraissait à mes yeux?
Désabusez-vous, rendez-moi justice, et comptez que ce n’est pas le prince, mais
Octave que je suis venue chercher ici.
20 scaramou. La peste,
qu’une fille amoureuse a d’esprit!
octave Ah! Trop généreuse Colombine,
par où pourrai-je vous exprimer...
colombine Voici Arlequin. Vous savez
les raisons que j’ai de le ménager, c’est un homme de poids, et qui malgré ses caprices,
pourra nous être d’une grande utilité: retirez-vous, que je lui parle seule, je
lui ferai mieux entendre mes raisons.
SCENE VII
Arlequin, Colombine, Scaramouche.
arlequin (à Scaramouche) Ah, bonjour,
Seigneur Bagatelle. Quoi vous êtes encore ici?
scaramou. Signor sì, con
tutte le mie bagatelle, al servizio di Vostra Signoria.
arlequin Je vous rends grâces, je vous ai déjà dit que vous pouvez les porter à
Paris.
scaramou. Ho sentito dire, che V[ostra] S[ignoria] bâtissait
une grande ville, una famosissima città;
e così, je venais avec toutes mes bagatelles, pour divertir votre femme et
vos petits enfants.
5 arlequin À Paris,
à Paris. Je ne veux point de fadaises chez moi, et la bagatelle en sera bannie
aussi sévèrement, que l’amour l’est du mariage.
colombine Quoi, Seigneur Arlequin,
seriez-vous de l’opinion de ceux qui croient que le premier jour de l’hymen,
est le dernier de l’amour, et du bon temps?
arlequin De l’amour, oui. Pour
du bon temps, c’est selon. Certaines femmes ne commencent à en prendre, que
lorsqu’elles commencent à être épouses; d’autres ne le goûtent qu’au veuvage,
tout cela est très bien partagé. Mais à propos de femme, savez-vous que dans ma
ville nouvelle, pour épargner aux plaideurs la moitié de ce qui leur en coûte,
les femmes rendront la justice?
scaramou. Des femmes juges! Que de
prises de corps!
arlequin J’ai remarqué, que
presque tous les plaideurs payent leurs arrêts aux belles qui sont bien dans l’esprit
du juge.
10 colombine Fort bien.
arlequin Cependant, il n’en
est pas moins inexorable sur les épices; de sorte que le pauvre diable de
plaideur paye des deux côtés.[52]
colombine J’entends.
arlequin Vous voyez bien, que
si les femmes rendaient la justice en leur nom, on en serait quitte pour ce qu’on
leur donne.
colombine Il y a même en cela un autre
avantage. Car, une belle magistrate qui
trouvera quelque plaideur de bonne dégaine, lui fera gratis des épices.[53]
15 arlequin Justement,
comme il arrive tous les jours à nos vieux magistrats avec de jeunes
solliciteuses.
colombine Ma foi,
je crois qu’il fera beau voir un Sénat féminin; toutes ces fem-mes auront bonne grâce en robe, et en
bonnet! Cela sera bien leste!
arlequin Eh, je les défie d’être
plus poupines et plus musquées, que quelques-uns de nos jeunes sénateurs de
Paris.[54]
colombine Je vous avoue que ce dessein
m’enchante, et que je brûle de le voir exécuté.
arlequin Pourquoi?
20 colombine Je me
figure avec plaisir, une trentaine de femmes aux opinions. Le bruyant tribunal! Il faut convenir que toutes
vos lois sont admirables!
arlequin Vous savez bien que
tous les ans je marierai trente filles aux dépens du public.
scaramou. Belle réparation!
colombine Et qui fera grand plaisir à
quantité de jeunes personnes qui n’ont pas assez de bien.
arlequin Comment donc jeunes?
Marier de jeunes filles? Je n’emploie pas si mal mon argent! Les jeunes et
jolies personnes se marient assez gratis. Je destine ce fonds pour ces vieilles
filles de dur débit, qui ont resté trente ans dans une arrière-boutique, dont
on ne se charge qu’à bonnes enseignes, et qui demeureraient éternellement à la
porte de l’hymen, si l’argent ne leur servait de véhicule.[55]
SCENE
VIII
Jaquet, Macine, Arlequin,
Colombine.
jaquet Monsieur,
Je venons pour prier de nous donner un petit brin d’avis, en payant, s’entend,
comme de raison.
macine Oui,
Monsieur, je voulons faire les choses de bonne grâce; et s’il n’y a pas assez
de quinze sols, j’irons jusqu’à la pièce neuve.[56]
arlequin Ces gens-là me
prennent pour un avocat ou un médecin. Allez mes enfants, je ne vends pas mes
paroles; mais de quoi s’agit-il?
jaquet De
boutre la paix dans notre ménage.[57]
5 arlequin Vous
êtes donc mariés?
macine Pas
encore; mais je pourrons l’être sans miracle avant jour failli.
arlequin Vous n’êtes pas
encore mariés, et il vous faut un tiers pour terminer vos différends? Ah, ah!
Eh, comment ferez-vous donc si vous l’êtes une fois?
macine C’est
que Jaquet est un entêté, un vilain.
jaquet C’est
que Macine est une éventée, et une glorieuse. Elle me donne cent-dix livres en
mariage, et elle veut que de cet argent-là lui en fasse un habit.
10 arlequin Mettre
sa dot en habits et en bijoux des noces, c’est à présent le grand usage.
colombine Heureux le mari quand cela n’excède
pas!
macine Ce n’est-il
pas juste, Monsieur? Il dit lui qu’il en veut acheter deux arpents de tarre.
jaquet Oui,
qui me rapporteront un bon revenu, au lieu qu’un habit, ça n’est que de l’argent
mort.
macine De l’argent mort, dea! J’ai pourtant ouï dire à une
madame de Paris, qu’une procureuse de ses amies avait un habit de velours verd
cramoisi, dont alle retirait cinq cent bonnes livres de rente, bon an malan.
15 arlequin Et je
sais un peu vivre. Va Jaquet, compte qu’une jolie femme un peu ajustée vaut
toujours son prix, et rapporte son revenu.
colombine Je trouve que Macine a
raison, il faut toujours suivre la grande route, et faire comme les autres.
jaquet Quoi,
tout notre bien en un guenillon?[58]
arlequin Oui, que comme les
autres femmes, elle se mette sa dot sur le corps: dût-elle à leur exemple
mettre dans quinze jours les habits en gage.
jaquet Puisque vous le trouvez bon, qu’alle fricasse comme alle
l’entendra, j’aurai le plaisir de voir ma femme brave. Adieu, Monsieur, et
grand merci.
20 macine Bonsoir,
Monsieur.
arlequin Bonsoir.
macine (revenant) Mettrai-je de l’or sur cet
habit, Monsieur?
arlequin Oui, des diamants
même, si vous en trouvez à crédit.
macine Pour
les cornettes, je les prendrai de papier; ça ne dure guère, mais ça reluit
beaucoup. Votre servante. (ils sortent)
25 arlequin Voilà
qui prouve bien que la vanité est partout. Mais, Madame, parlons d’autre chose,
je vous aime, je vous l’ai déjà dit. Je vous offre ici un établissement: faites
mon bonheur, je tâcherai de faire le vôtre.
colombine Je vous ai déjà répondu que
mon cœur ne se donnait pas deux fois. J’aime Octave.
arlequin Qui? Ce prince là...
colombine N’insultez
point... Mais le voici avec un homme que je ne connais pas.
SCENE
IX
Le docteur, Octave, Colombine,
Arlequin.
le
docteur Monsieur,
Monsieur, voilà par le plus grand bonheur du monde, ce fils dont je vous ai parlé
tantôt.
arlequin Qui était dans un
poste si éclatant? Vous aviez raison, il brille trois fois la semaine parmi des
lustres et des chandelles.
octave Oui, Monsieur, je
suis comédien. Mais votre philosophie n’est pas fort éloignée de la mienne, ma profession
comme la vôtre, est de corriger les hommes en les rendant ridicules.
arlequin C’est bien fait. Mais
Docteur, savez-vous que voilà une personne qui aspire à être votre bru?
5 le docteur On m’a
tout conté; et je la prie de recevoir mon fils pour son mari.
colombine (À Arlequin) Consentez à notre mariage, et souffrez que nous nous
établissions ici avec vous. J’ai eu toute ma vie un furieux penchant pour la
comédie: la belle occasion est satisfaite! Nous composerons une troupe
admirable.
arlequin Je consens à tout, à
condition que dans vos pièces, vous ne louerez jamais personne, et que vous ne
ferez pas quartier à la moindre impertinence. Outre cela, vous observerez, s’il
vous plaît, les lois que je prescris à mes citoyens. Je les ai mises pas écrit,
écoutez. (il lit)
I Que toute charge s’abolisse,
Dans
ma ville nouvelle une seule me plaît,
Et
je ne veux pour tout office,
Qu’un
bon prêteur sans intérêt.
II Qu’avec mépris on regarde les biens,
Qu’un
coffre-fort, une grosse marmite,
Ne
fasse point tout le mérite,
De
mes nouveaux concitoyens.[59]
colombine Adieu les abbés bien
nourris!
arlequin Je ne veux point de
fainéants. (il lit)
III Qu’un fat ne règle point son estime
grossière
Sur
le dehors pompeux des carrosses brillants.
Et
quiconque a monté derrière,
Qu’il
soit exclu d’entrer dedans.
10 colombine Si cette loi s’observait à
Paris, les deux tiers des carrosses resteraient sous la remise.
arlequin (Lit)
IV Je bannis ces docteurs qui de mots
assassins
Ont
pour toute science, une longue tirade,
Et
veux comme à Chaudray que tous mes médecins,
Sachent
et ne rien prendre, et guérir un malade.[60]
colombine Oh, pour
celui-là, il est directement contre les Statuts de la Faculté.
arlequin (Lit)
V Qu’en intrigue à vingt ans toute fille
soit neuve,
Fût-ce
un tendron aux coulisses nourri:
Mais
je défends à riche et vieille veuve,
D’épouser
un jeune mari.
VI Sortez de mes états, brelandières
coquettes,
Qui
rassemblez joueurs et galants confondus,
Et
chez qui tous les jours lansquenets et bassettes,
Sont
les jeux les moins défendus.[61]
colombine Vous achèverez une autre
fois le reste. Voyons à présent la noce de Jaquet et de Macine.
(Le théâtre représente un fort beau bocage.
On voit plusieurs bergers assis auprès de leurs bergères qui jouent de
différents instruments. Un berger et une bergère héroïques chantent ce duo
italien)
Mia luce, mio core,
Mia
vita, mia speme,
Quando
fia che trionfi il nostro amore
Su queste spiaggie amene?
(Quatre paysans dansent une entrée. Une
bergère chante)
Nous ne brillons jamais d’un éclat emprunté.
Notre beauté
Doit toute sa parure
À la seule nature;
Notre teint n’est
point frelaté,
Nous n’y mettons point
de peinture;
Et quand le hâle l’a
gâtée,
C’est avec de l’eau
toute pure,
Que revient sa
vivacité.
(Un sabotier danse tout seul. Octave chante)
Le seul amour est inutile,
Parmi les amants de la
ville.
Il faut par les
présents exprimer son ardeur,
Pour attendrir une
inhumaine;
Il faut avec de l’or
que l’on forme la chaîne,
Dont on veut arrêter
son cœur.
(Un paysan et une paysanne dansent)
15 octave Mais, Monsieur le
philosophe, ne voulez-vous pas aussi vous réjouir? Allons chantons et dansons
en rond.
arlequin Je le veux bien. À la
charge que chacun chantera son couplet, et y mettra une comparaison.
octave Volontiers.
Commencez.
arlequin (Chante) Comme l’hiver a des roupies,
Cérès des blé, Flore
des fleurs;
Ainsi Paris a des
harpies,
Greffier, sergents, et
procureurs.[62]
octave (Chante) Comme on voit pencher la balance
Du côté du poids le
plus fort;
Ainsi femme à qui plus
finance,
Se livre sans aucun
effort.
20 colombine (Chante) Comme au soleil cèdent la place,
Les nuages les plus
épais;
Ainsi l’éclat du
plumet chasse
Les grands et les
petits collets.[63]
léandre (Chante) Comme on voit que la pleine lune
Par degrés monte au
firmament;
Ainsi j’en sais dont
la fortune
A commencé par le
croissant.
mezzetin (Chante) Comme les abeilles habiles
Puisent des fleurs les
sucs nouveaux,
Ainsi les coquettes
subtiles
Sucent la bourse des
nigauds.
scaramou. (Chante) Le fétu d’abord pirouette
Qu’il est auprès de
l’ambre chaud;
L’ambre à Paris c’est
la grisette,
Et le fétu c’est le
courtaud.[64]
arlequin (Chante) Comme un coucou que l’amour presse,
Prend un nid qui n’est
point à lui;
Ainsi l’officier a
l’adresse,
De pondre dans le nid
d’autrui.
(Ils dansent tous en rond; la comédie finit)
Apparato
Sono
qui di seguito riportate le varianti fra le edizioni del testo precedentemente
indicate.[65]
Tanto
quella pubblicata da Henry Lambin quanto la versione riportata da Adrian
Braakman trasmettono un medesimo testo, più lungo e ‘originale’, tagliato o
censurato da Gherardi.
I mutamenti più consistenti
riguardano il primo e il secondo atto, laddove nell’edizione settecentesca, che
talvolta restituisce un testo di peggiore qualità (come testimoniano alcuni
errori separativi, evidenti grazie al confronto puntuale dei passaggi), mancano
rispettivamente le scene 4 e 5, nonché la scena 2. Non è difficile comprendere
i moventi dell’intervento gherardiano, se si considera che tutte le parti
soppresse sono accomunate dalla presenza di una componente comica buffonesca e
dei ruoli che tradizionalmente se ne fanno portatori sulla scena: a ben
guardare, infatti, i personaggi che escono sacrificati dalla scelta editoriale
operata nel 1700 sono innanzitutto Marinette, del tutto espulsa dalla commedia;
Mezzetin, il cui unico intervento consiste ormai in quattro versi cantati all’ultima
scena, mentre precedentemente condivideva il palco con Arlequin, in uno scambio
tutt’altro che secondario nella caratterizzazione di questo personaggio
nullafacente e profittatore, perfetto abitante della capitale; Pierrot, che vede il suo intervento nella pièce
ridursi al minimo (cinque battute in II.4, laddove nelle prime due versioni
comparivano ben due scene in cui la sua presenza era importante); e
Scaramouche, che, pur a seguito di un innegabile ridimensionamento, continua a
veicolare in scena, ormai solo, l’elemento comico grottesco, tipico del suo
ruolo.
Nel dettaglio, I.4, scena di sole
sei battute, ripropone il tradizionale confronto fra le due tipologie di
servitore, il serio e il buffone: in particolare, Pierrot si ripromette di
conformarsi alla gravità e riservatezza del suo padrone, mentre Scaramouche
intende caratterizzarsi per contrasto: più Arlequin è austero e scontroso, più
il suo valletto si lascerà andare al riso e al canto sfrenati.
Nella scena successiva, i due si
contendono i favori della servetta Marinette, personaggio eliminato nella
versione gherardiana.
Ecco dunque le ragioni che hanno
spinto il curatore a espungere questo dialogo, particolarmente osceno e
intessuto di sottintesi a sfondo sessuale più o meno espliciti: da un lato la
volontà di proporre testi moralmente irreprensibili, al fine non solo di
evitare qualunque tipo di censura, ma anche di riabilitare gli Italiens (non
dimentichiamo che la troupe era stata
allontanata e che l’operazione editoriale di Gherardi mirava anche a
reintrodurla a corte); dall’altro l’intento
di conferire alla produzione della Comédie-Italienne un solido statuto
letterario; oltre naturalmente alle ragioni più strettamente personali, cui si
è accennato riguardo agli equilibri di forze interni alla compagnia.[66]
Peraltro, queste scene in apertura
del primo atto dovevano servire a presentare al pubblico i personaggi
principali, quelli che, in misura e proporzioni diverse, si distinguevano dalle
figure bizzarre e grottesche, destinate a sfilare davanti ad Arlequin per
fornire spunti polemici alla sua mordente satira. Risulta così ancora più
significativo l’intervento del curatore, il quale altera almeno in parte l’equilibrio
dei ruoli, difficile dire se per risentimento personale o per ragioni
esclusivamente artistiche.
Unicamente il primo, invece, pare
essere all’origine dell’eliminazione di II.2, scena centrale nella
caratterizzazione di quello che, nella lista dei personaggi, è definito come ‘intrigante’;
epiteto non facilmente giustificabile alla luce del ruolo pressoché inesistente
che Gherardi gli riserva nell’edizione di riferimento. Nel tratteggiare il
ritratto del perfetto profittatore, Mezzetin forniva all’autore l’ennesimo
spunto per uno spaccato polemico sulla vita parigina. Camaleontico, mimetico,
opportunista, mondano: il ritratto perfetto, insomma, del parassita che si
trova nel suo elemento a Parigi meglio che in qualunque altro luogo. Non può
che essere stata la violenta contesa che ha opposto il curatore ad Angelo
Costantini a determinare l’eliminazione di un personaggio tanto a tono in una
commedia, dominata fino all’eccesso dalle tirate contro la capitale e la sua
fauna.
Tutti i ruoli sacrificati da
Gherardi erano infine protagonisti di quella che, nella numerazione originaria,
corrisponde come si è già detto a II.9 (per meglio contestualizzarla, si
ricorda che nell’edizione di riferimento essa si situerebbe fra II.7 e II.8):
scena notturna a soggetto, in cui i personaggi maschili cantano una serenata a
Marinette. Si tratta di momento canoro, soppresso probabilmente sempre per
conferire alla drammaturgia degli Italiens quella patina di autorialità e quel
valore letterario che la recitazione fondata sulle capacità d’improvvisazione,
tratto distintivo della tradizione attoriale dell’arte, pareva offuscare; oltre
che per le idiosincrasie personali del curatore per alcuni attori della troupe, non a caso proprio quelli
penalizzati dall’intervento, che elimina così anche la controparte farsesca del
filone amoroso. La serenata d’amore di
Mezzetin, Pierrot e Scaramouche doveva rappresentare un contrappunto di
notevole efficacia a livello comico al duetto che apre il terzo atto.
Quanto alle varianti riportate
dall’edizione del 1700 rispetto alle due precedenti in III.8, dal confronto
emerge come le modifiche non alterino in alcun modo il contenuto della scena:
al centro del diverbio fra i due promessi sposi vi è la dote, questione nodale
di politica matrimoniale e, con essa, di regolamentazione dei rapporti privati
in società. Nella versione posteriore l’attacco contro chi sperpera il
patrimonio femminile è solo più esplicito e violento.
Riguardo infine a III.9.14, il
cambiamento attuato da Gherardi sembra dettato da uno scrupolo di esattezza nel
riportare un’aria conosciuta nella sua versione originaria, laddove nelle
edizioni precedenti una ripetizione alterava il secondo verso.[67]
Minime invece risultano le
differenze fra l’edizione parigina e quella olandese, così come di lieve entità
si rivelano i mutamenti fra queste prime due e quella settecentesca, fatti
salvi i tagli segnalati. Resta da notare una maggior (seppur ridotta all’essenziale)
precisione negli ‘a parte’, testimoniata dall’ultima edizione, frutto di un’accresciuta
consapevolezza autoriale rispetto alla funzione e alla valenza scritta del
testo teatrale.
Varianti
Acteurs
Deux gasconnes ] hlp
aba Deux gascones
Quatre biscaïens ] hlp
aba
Prologue
3: Cigne ] hlp
Signe, aba Singe
4: Et bien ] hlp
aba Eh bien
5: il … gouverne. Quand tu déplores ce beau monde-là hlp aba
il … gouverne & quand tu déplores ce beau monde-là
11: bancs ] hlp aba bans
15: Nego consequentiam, retorqueo argumentum ] hlp aba
Nego consequentiam. N’est-ce pas bien raisonner
17: adroitement ] hlp
aba dextrement
20: tu te tirera fort bien ] hlp aba
tu te tirera bien
21: hlp aba a
parte omittit
24: à ce but qui ] aba
à ce qui
Acte I
I.2.14: Dites ] hlp
aba Parlez
I.2.37: quittait ] hlp
quitterai
I.2.56: n’est-ce point ] hlp
aba n’est-ce pas
I.2.58:
hlp e aba a parte omittit
I.3.1: trouve-je ] hlp
aba trouvai-je
In
hlp aba, fra le scene terza e quarta dell’edizione presa a
riferimento, ne sono inserite altre due, qui di seguito riportate:
SCENE IV
Pierrot,
Scaramouche.
pierrot (À part) Il n’y a point à dire,
disait-il, il faut qu’un bon valet copie son maître en tout et partout. Le
nôtre est grave, sérieux, misanthrope; je le veux devenir.
scaramouche (À part) C’est une chose bien dure à un valet un peu alerte, de
servir un philosophe rébarbatif. Mais justement, parce que mon maître est un
misanthrope, je veux rire, chanter, me divertir, n’engendrer point de
mélancolie. Faut-il pas qu’il y ait de la différence du valet au maître? Mais
voilà Pierrot notre cuisinier, écoutons.
pierrot (À part) Ne parler que rarement, comme un
mari parle d’amour à sa femme.
5 scaramouche (riant) On entendra moins de sottises.
pierrot (À part) Un air austère et rébarbatif.
scaramouche Une mine gaie, un visage
ouvert, un air riant.
SCENE
V
Marinette,
Pierrot, Scaramouche.
marinette Voilà les gens que je
cherche. Abordons-les! (se tournant vers
Pierrot) Fi, le vilain homme! Quelle mine rechignée! Il ne regarde pas le
monde. (vers Scaramouche) Et voilà au
moins qui donne quelque signe de vie. (vers
Pierrot) Encore! C’est une pierre, non pas un homme. Tournons-nous devers l’autre.
pierrot A
qui en veut cette fille-là?
scaramouche Serviteur ma belle personne.
marinette (À Pierrot) Monsieur, je cherche... (à Scaramouche) Je suis votre très humble servante.
5 scaramouche Vous
voilà belle comme l’amour.
marinette (À Scaramouche) A votre service. (à Pierrot) Je cherchais...
pierrot Vous
l’avez trouvé? Testigué elle est gentille, démisanthropisons-nous un peu.
scaramouche Pierrot,
vois-tu l’aimable personne?
marinette Bon,
bon, vous vous moquez; mais, si je ne suis pas belle, je suis bonne.
10 pierrot Sot
qui s’y fie? Mais que cherchez-vous ici?
marinette Je
cherche condition et je venais me présenter à vous et à votre maître.
pierrot Oh,
ma foi, vous voilà bien chue; servante d’un philosophe. C’est une bonne boutique:
je n’y reste moi que parce que je suis homme d’esprit.
marinette Eh, là là, je ne suis
pas si innocente que je le parais; j’ai été à Paris et une fille ne revient pas
de ce pays-là sans avoir appris quelque chose.
scaramouche Oui, da, et même une fille n’oublie
pas pour l’ordinaire ce qu’elle y apprend.
15 pierrot Mais
savez-vous bien que notre maître n’est pas un homme aisé?
marinette Oh, que j’en ai bien
vu d’autres. Il sera diantrement difficile si je ne l’accommode, je suis faite
à tout.
scaramouche Voilà
ce qu’il nous faut.
pierrot Allez,
allez, vous ne le connaissez pas. Mornon pas de ma vie, c’est un malin diable
que notre maître, il vous tarabustera rudement.
marinette C’est comme je le
veux. Laissez-moi seulement manier deux jours son esprit. J’ai servi un
procureur, qui, quand j’entrai chez lui, passait pour l’homme de Paris le plus
rude... Eh, demandez un peu à sa femme comme je l’ai laissé: je l’ai rendu
doux, doux comme un petit agneau.
20 scaramouche Oh,
parbleu, après cela, il n’y a point de merveille qu’elle ne fasse.
pierrot Mais
comment ça se fait-il?
marinette Ça se fait, tenez...
Ça se fait moitié figue, moitié raisin, avec un petit air entre innocent et
malin. De petites mines par-ci, de petits souris par-là... Tant y a que je ne
saurais droitement vous dire comment ça se fait, mais il n’y a rien de si aisé
quand on y est.
pierrot Ah,
matoise, vous l’entendez.
scaramouche Elle est parbleu jolie,
menons-la à notre maître.
25 marinette Usez-en
bien, vous n’y perdrez pas, car je suis de ces filles qui ne négligent rien et
les soins du maître ne me font pas oublier les valets.
pierrot Je
le crois. Allons trouver notre maître.
scaramouche Allons.
I.4.5: un gentilhomme d’un roturier, et d’un roturier et d’un
faquin ] hlp aba un gentilhomme d’un roturier, et d’un
faquin, un homme d’importance (errore
per dittografia di 1700, sanato nella versione proposta in quanto guasto
tipografico).
I.4.9: Oh, oh, point de coquettes à Paris? ] hlp aba Oh, oh, point de coquettes.
I.4.14: dont ils sont ] hlp
aba dont ils y sont
I.5
quatre biscaïens omittit.
I.5.57:
Fra questa battuta e la seguente se ne
aggiungono in hlp aba due, di
seguito riportate:
arlequin Tu fais la bagatelle?
scaramouche Oui.
I.5.60: Et tu es la bagatelle? Ah, mon cher ] hlp aba Ah, mon cher
I.5.67: Il …
vêtues. Les violons jouent une chaconne hlp
aba Il… vêtues
Acte II
II.1.18: Eh, que] hlp
aba Eh, et que
II.2.2:
di hlp aba è stata eliminata nell’edizione
settecentesca, ma il numero delle scene della versione di riferimento, saltando
da 1 a 3, rende evidente la modifica. Si riporta di seguito il dialogo
mancante. La numerazione delle scene è stata cambiata e corretta di conseguenza
nella trascrizione:
SCENE II
Mezzetin, Arlequin.
mezzetin (Regardant Arlequin depuis les pieds jusqu’à
la tête) Serviteur, Monsieur.
arlequin Serviteur.
Eh bien, m’aurez-vous bientôt assez regardé, à droit, à gauche, de face, de
profil? A qui en voulez-vous?
mezzetin A
vous, Monsieur. C’est que je m’en retourne à Paris.
arlequin Et
moi, grâce au ciel, j’en suis revenu. Vous y avez donc déjà été?
5 mezzetin Si
j’y ai été? Il y a dix ans que j’y sers le public et que, grâce à ses bontés, j’y
fais une petite fortune assez raisonnable.
arlequin Vous
en êtes fort content sur ce pied-là?
mezzetin Oui.
Tant en gros qu’en détail, je n’ai qu’à m’en louer.
arlequin Tant
mieux pour vous. Mais en quelle qualité servez-vous le public? Quelle est votre
profession?
mezzetin Ma
profession est de n’en point avoir. Homme d’importance ou faquin, suivant l’exigence
des cas; j’emploie tout mon talent à faire plaisir aux autres.
10 arlequin C’est
le moyen d’être bienvenu partout.
mezzetin Gai,
sérieux, tour à tour, l’un ou l’autre. Protée perpétuel, je change de plus de
figures qu’une fille d’Opéra de Gallant. Ami de tout le monde, je ne suis haï
que des vieilles et des jaloux. Répertoire d’expédients et de facilités, j’ai
cela de commun avec les généraux et les ministres, que mon art comme le leur
consiste à profiter des occurrences et saisir les occasions.
arlequin Cela
s’appelle un beau portrait d’une vilaine profession.
mezzetin On me
trouve aux bals, aux promenades, aux spectacles, partout hors chez moi, et c’est
là que je mets toute mon application à rendre service à d’honnêtes gens qui ne
me laissent pas sans récompense.
arlequin Ces
sortes de services ne sont pourtant guère bien payés, s’ils ne le sont d’avance.
En pareille occasion le grand secret est d’être nanti.
15 mezzetin Cela
est vrai. Aussi je ne laisse pas refroidir les choses.
arlequin Mais
que pouvez-vous tant faire aux promenades?
mezzetin La
peste, c’est mon théâtre le plus avantageux. Vois-je par exemple sur les neuf
heures du soir dans la grande allée des Tuileries un vieux seigneur rêvasser
tout seul, son chapeau sur les yeux, je me glisse auprès de lui et lui murmure
à l’oreille: Monsieur, Mademoiselle Javotte et Mademoiselle Fanchon sont dans l’allée
des soupirs, sur le troisième banc à gauche! Oh, mon homme ne se le fait pas
dire deux fois, le voilà aller et, s’il n’a qu’un écu, il est pour moi.
arlequin Ce
que c’est que le savoir-faire. Mais, Monsieur, le répertoire d’expédients, vous
qui êtes si commode, ne trouvez-vous pas quelque incommodité en votre chemin?
Là... Quelque jaloux bâtonnant, quelque mari rossant. Hem...
mezzetin C’est
là le casuel de la profession. Mais ces petits contretemps sont récompensés par
mille douceurs clandestines, cent profits non attendus. Vous ne sauriez croire
ou cela va?
20 arlequin On
est cependant bien corrigé là-dessus. Chacun fait ses affaires soi-même. Les
femmes pour épargner la bourse de leurs amants font les deux tiers des avances,
et souvent suppriment l’autre pour venir plutôt au fait.
mezzetin Ce
que vous dites est bon pour un tas de courtiers subalternes, mais les illustres
trouvent toujours à travailler.
arlequin C’est-à-dire
que vous êtes de la première volée.
mezzetin On
me fait l’honneur de le dire ainsi. On me regarde comme une manière d’homme d’importance.
Je suis le doyen des grisons; le syndic général des coiffeuses, bouquetières et
revendeuses à la toilette, l’intendant des filles de bonne volonté et le cousin
germain banal de toutes les soubrettes de Paris.
arlequin Oh,
diable, vous êtes bien allié. On m’a dit pourtant que depuis peu il s’était
glissé dans votre profession quelques matrones, qui, sous prétexte de
confitures, de gants et de pommades, trafiquent de billets doux. Cela est dangereux
au moins.
25 mezzetin Bon.
A mon arrivée je verrai tout cela disparaître. Je crosse ces gens-là, moi. Ces
canailles croient avoir bien opéré, quand ils ont porté un billet et rendu la réponse.
Le moindre de mes exploits est de ménager un tête-à-tête dans les formes. Je
débute par là et, si vous ne sauriez croire combien peu cela coûte au temps où
nous sommes. Je crois pour moi que les maris ne sont pas fâchés qu’on les
trompe.
arlequin Hom,
les maris qui veulent être dupés ne sont pas toujours les plus dupes.
mezzetin Vous
y voilà. Que vous avez d’esprit! Tenez, vous me gagnez le cœur! Ça de quoi
est-il question?
arlequin De
vous dire adieu.
mezzetin Venons
au fait, me voici prêt, que faut-il que je lui dise?
30 arlequin A
qui?
mezzetin Hé!
Vous ménagez le terrain. Là, cette petite personne, que j’ai trouvée les yeux
en larmes et le cœur en mouvement, qui va, qui vient et qui cherche ce que je
vais lui offrir de votre part.
arlequin Bon,
elle cherche un prince. En avez-vous à lui donner?
mezzetin Oh,
que ce n’est pas ce qui m’embarrasse. Mais, dites-moi le bon mot, je m’en vais.
Il vous vient quelqu’un, demain à votre lever nous parlerons à fond. La
toilette est le champ de bataille des gens de ma sorte. Adieu.
II.2.1: en public ] hlp
au public
II.4.1: in hlp
aba arlequin l’a parte
omittit
II.5.5: Je n’en sais rien. Je danse ] hlp aba
Je n’en sais rien. Mais je suis fort alerte. Je danse (salto di 1700, sanato
nella versione proposta in quanto refuso)
II.6.3: Ah Mossu caigno de ] hlp aba Ah Mossu
caigno jovo de
II.6.8:
hlp aba a parte omittit
II.6.15:
connescut ] hlp aba conne scut
II.6.16: Diable! C’est chanter ] hlp Diable! C’est chanté
II.6.17: nou ] hlp
nous
II.6.18: arlequin
Ah,… mien. Ce n’est pas qu’autrefois j’ai su un couplet de chanson, qui disait:
/ Quand io eri pichotto, / Boulios pas far l’amour; / Aro que sois grandotto, /
Boudrias lo fa toujours. Flon flon, etc. / Mais qu’allez-vous chercher toutes
deux à Paris? hlp aba arlequin
Ah, Mademoiselle, les semblants sont plus de votre pays que du mien, mais qu’allez-vous
chercher toutes deux à Paris?
II.6.19: vîte
] hlp aba vite
II.6.22: Troubares ] hlp
Troubarés
II.6.34: à pailler ] hlp
à bailler
II.7.22:
battuta assente in hlp aba
Fra
II.7 e II.8 dell’edizione settecentesca non compare quella che, nella
numerazione originaria, corrisponderebbe a II.9 di hlp aba, di
seguito riportata:
C’est une scène de
nuit, italienne, entre Mezzetin, Pierrot et Scaramouche, qui viennent donner
une sérénade à Marinette.
II.8.1: arlequin Eh … plâtre? Venez-vous me montrer quelque autre botte franche? hlp aba
arlequin Eh … plâtre?
II.8.8: ce nombre ] hlp
aba le nombre
II.8.25: un jardin! Voilà-t-il ] hlp aba un
jardin, Madame, un jardin, voilà-t-il tout revenu?
II.8.30:
en question ] hlp aba de question; Miei spirti amorosi, / Brillatem’in sen: / Amor vuol ch’io posi / In
braccio al mio ben, / Mei spirti, etc. ] hlp
e aba Bellezze, / Voi siete tiranne de cuori. / Col crime legate, / Col
guardo ferite; / E troppo spietate / Vibrate gli ardori. / Bellezze, / Voi
siete tiranne de cuori.
II.8.32: En… voilà. Un moment les élève, un moment les
détruit. (tout le palais se détruit) hlp aba
En… voilà (tout le palais se détruit)
Acte III
III.1.1: Et je ne sais pas longtemps tourner autour du
pot ] hlp aba Et je ne sais point longtemps tourner autour du pot
III.1.3: braves ] hlp
aba bons
III.1.7: Que l’on a de l’amour ] hlp Que l’on en a de l’amour
III.1.10: antres sauvages ] hlp autres sauvages
III.1.11: robins ] hlp
robains
III.1.13: Examinons si c’est ou quelque chose, ou rien ] omittit in aba
III.2.8: quatre-vingt-seize ] hlp aba
quatre-vingt-dix-sept
III.2.22: pieds bien tournés ] hlp aba pieds
tournés
III.2.29: hlp aba a
parte
III.2.30: hlp aba a
parte ; Corisande ] hlp aba
Chorisandre
III.3: Madame de l’Architrave,
Arlequin ] hlp aba
Arlequin, Madame de l’Architrave
III.3.5: Et ne savez-vous pas ] hlp Et ne savez pas
III.3.28: arlequin
] hlp mezzetin
III.5.11: Oui, dea ] hlp
aba Oui, da
III.5.13: je la peignis comme deux gouttes d’eau ] hlp aba
je la peignis ressemblante comme deux gouttes d’eau
III.7.4:
Ho sentito dire, che V.S. bâtissait
une grande ville, una famosissima città;
e così ] hlp Io sentino, che V.S. bâtissait une
grande ville, famosissima città; è così,
aba Io ho sentito, che V.S. bâtissait une grande ville, famosissima città è così
III.7.7:
épouses ] hlp épousés
III.8.9:
Da questa battuta in poi, sino al finale, hlp
aba presentano la variante di
seguito riportata:
jaquet C’est que Macine est une éventée, et une glorieuse.
10 arlequin Déjà
des invectives, voilà les naturelles dispositions pour l’assortiment que demande
l’hymen.
jaquet Jugez
si j’ai tort.
macine Voyez
si je n’ai pas raison.
arlequin Un
plus d’honnêteté. Vous êtes brusques comme des gens mariés.
macine Monsieur,
je suis la plus riche fille du bourg, et mon père me donne en mariage quarante
bons écus.
15 jaquet Sans
vous démentir, n’y a que cent dix livres.
macine Or,
comme je nous disions tantôt queuque petite doucereusité amoureuse, je sommes venus
de fil en aiguille à parler de notre mariage.
jaquet Ça
est vrai, et elle a eu la tamerité de me dire qu’alle voulait que je lui fisse
un habit de la valeur de son mariage.
arlequin Mettre
sa dot en habits et en bijoux de noces, c’est à présent le grand usage.
colombine Heureux le mari quand
cela n’excède pas!
20 macine Ça
n’est-il pas juste, Monsieur? Il dit lui qu’il en veut acheter deux arpents de
tarre.
jaquet Oui,
qui me rapporteront un bon revenu, au lieu qu’un habit, ça n’est que de l’argent
mort.
macine De l’argent
mort, da! J’ai pourtant ouï dire à une madame de Paris, qu’une procureuse de
ses amies avait un habit de velours vert cramoisi, dont alle retirait cinq cent
bonnes livres de rente, bon an mal an.
arlequin Et j’ai
connu, moi, une femme qui faisait valoir de simples grisettes à un denier bien
plus haut.
macine Oh,
je sais un peu vivre, va Jaquet, conte qu’une jolie femme un peu ajustée vaut
toujours son prix et rapporte son revenu.
Da
qui in poi riprende come nell’edizione settecentesca, a partire dalla battuta
16.
III.9.2:
chandelles ] hlp bougies
III.9.9:
Qu’un fat ] hlp Qu’un fait
III.9.14:
Il canto in hlp ripete il
ritornello con una variazione, secondo quanto riportato di seguito:
Mia luce, mio core, / Mio core, mia speme.
III.9.24: point ] hlp
aba pas; Ils dansent tous en rond ] hlp
aba Ils dans en rond
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«foraine», «Studi Francesi», VI, 17/II (maggio-agosto 1962), pp. 225-244.
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Alla Foire e dintorni. Saggi di
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[1] ARLEQUIN / MISANTROPE/ COMEDIE / A PARIS. / Chez Henry Lambin / ruë de
petit / Pont, vis-à-vis la ruë de la Huchette / M.DC.XCVII. / Avec Privilege du
Roy. L’esemplare
è consultabile presso la Bibliothèque Nationale de France alle seguenti
collocazioni: NUMM-72639; esemplare digitalizzato e consultabile in formato
elettronico nel sito della Bibliothèque numérique Gallica
(http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72639k), MICROFILM M-12536 e
RES-YF-3770.
[2] SUPPLEMENT / DU/ THEATRE / ITALIEN, / ou / NOUVEAU RECUEIL / DES /
COMEDIES ET SCENES / FRANÇAISES / qui ont été joüées sur le Theatre Italien par
les Come- / diens du Roy de l’Hôtel de Bourgogne à Paris. / TOME TROISIE’ME. /
Suivant la Copie de Paris, / A AMSTERDAM, / Chez ADRIAN BRAAKMAN, Dans le /
Beurs Straat, prés le Dam à la Ville / d’Amsterdam. 1698. Esemplare
disponibile alla Bibliothèque Nationale de France, collocazione M-23249(3),
nonché in versione digitale sul sito googlebooks: http://goo.gl/vNOn87
[3] SUPPLEMENT / DU/ THEATRE / ITALIEN, / ou / NOUVEAU RECUEIL / DES /
COMEDIES ET SCENES / FRANÇAISES / qui ont été joüées sur le Theatre Italien par
les Come- / diens du Roy de l’Hôtel de Bourgogne à Paris. / TOME TROISIE’ME. /
Suivant la Copie de Paris, / A AMSTERDAM, / Chez ADRIAN BRAAKMAN, Dans le / Beurs
Straat, prés le Dam à la Ville / d’Amsterdam. 1698. Esemplare
disponibile alla Bibliothèque Nationale de France, collocazione M-23249(3),
nonché in versione digitale sul sito googlebooks: http://goo.gl/vNOn87
[4] Il tono della
commedia è dato sin dalla lista dei personaggi, i cui appellativi lasciano
trasparire evidenti intenti satirici. Anche alcuni di quelli che parrebbero a
prima vista nomi propri sono in realtà epiteti che nascondono propositi
ridicolizzanti da parte dell’autore: questi in tal modo suggerisce, con
allusioni scoperte o attraverso un gioco di assonanze, elementi che
contraddistinguono la personalità di chi interviene sulla scena o volgono in
caricatura tipologie sociali ben riconoscibili agli occhi del pubblico.
Ciò avviene a cominciare dal
sedicente filosofo, Monsieur de Disanvray («disant vrai»), quantomeno
pretenzioso.
Madame de l’Architrave, personaggio
dal nome parlante, è una caricatura che mette in ridicolo il gusto in voga all’epoca
per l’arredamento lussuoso. Il lessico tecnico dell’architettura diventa
patrimonio comune e fa sempre più spesso la sua comparsa anche nei testi
teatrali: diverse commedie della raccolta confermano tale tendenza, specchio
ironico del favore di cui godono in società i professionisti del mestiere. Il
sostantivo è meno trasparente in francese che in italiano: la scelta di
ricorrere a un termine tecnico è tesa a creare un contrasto stridente fra l’incompetenza
del personaggio in questione e la precisione lessicale del nome, che rinvia all’ambito
di riferimento.
Su questa linea interpretativa ci
spingiamo ad azzardare un accostamento fra Monsieur de Colafon e il colascione,
strumento musicale della famiglia dei liuti, conosciuto per le sue proporzioni
inusuali (cassa piccola e lungo manico); forse proprio come il personaggio che
si presentava agli spettatori, un ex maestro di danza ormai storpio e dedito al
banditismo perché inabile per condizione fisica a qualunque altro mestiere
dignitoso, così come il nome del suo collega, Monsieur de la Cabriole, sembra
alludere alla destrezza fisica, basata sull’acrobazia, in cui erano
specializzati proprio i danzatori italiani. L’allusione alla capriola crea un
gioco parodico rispetto alla danza codificata in passi aggraziati, tipica dell’impostazione
grave e contenuta della scuola francese.
Monsieur de Geresol è nomen omen, che ricorda note musicali.[4]
[5] Concedo maiorem: formula canonica della
disputa scolastica, così come nego consequentiam
alla battuta 15.
[6] marmitonne: giovane aiuto-cuoca,
incaricata delle mansioni più umili; letteralmente, che si occupa della
marmitta, sguattera. ¨ Nous sommes de bons petits
hommes, qui faisons gracieusement une culbute, nous soupirons tendrement pour
une belle marmitonne comme toi, nous faisons éloquemment le panégyrique d’une
bonne soupe, et déplorons avec énergie la cherté du vin et du fromage de Milan: sono qui riuniti tutti gli stereotipi della caratterizzazione di
Arlequin, prima che la maschera subisse l’evoluzione di cui si è detto nella
prefazione.
[7] quartier: trattamento di favore
riservato ai vinti.
[8] le plan de satire: dopo la promozione
della maschera di Arlequin, è rivendicata in questa battuta l’evoluzione della
drammaturgia degli Italiens, innalzatasi dal piano della buffoneria a quello
ben più elevato della satira. L’intento moralizzatore è del resto rivendicato
apertamente qualche riga sotto.
[9] polissonerie: oltre al senso corrente di
birichinata, proprio in questo periodo il termine assume anche la sua accezione
corrente legata all’ambito della licenziosità e si manifesta nella sua
sfumatura peggiorativa ogni volta che è chiamato in causa un petit-maître. ¨ petits maîtres:
giovane elegante, dal modo di fare manierato e pretenzioso. ¨ tombeau: composizione poetica o musicale
in onore di qualcuno; o ancora una sorta di declamazione strumentale triste e
dolorosa. ¨ un
grand de nouvelle édition: la moda delle metafore di origine tecnica è
caratteristica di fine secolo allorché si sviluppa la tendenza a creare un
lessico legato in particolare all’ambito della stampa. ¨ gourgandine: termine familiare per
donna di facili costumi. Anche abito femminile alla moda all’epoca, che
consisteva in un corsetto aperto sul davanti, in modo da lasciar intravvedere
la camicia.
[10] Cyrus: opera di Mademoiselle de Scudery,
Artamène ou le Grand Cyrus è conosciuto per
essere il più lungo romanzo mai scritto, di più di tredici mila pagine,
qui evocato per satireggiare la moda delle opere monumentali in voga all’epoca;
per le stesse ragioni, esso sarà citato anche in III.1.3, insieme all’Astrea di Honoré d’Urfé.
[11] godelureau: giovane elegante e
pretenzioso.
[12] furieux: l’aggettivo serve a introdurre
una sfumatura di affettazione nella frase, tipica del linguaggio alla moda.
[13] nel senso di ‘de peine’.
[14] Artémise: Regina della Caria, celebre per l’amore nutrito
nei confronti del marito Mausolo.
[15] Difficile non
pensare che la satira sull’ambiente dell’editoria non risenta dell’esperienza
personale del curatore della raccolta. D’altronde, i titoli citati (tutti
parodici, senza tuttavia riferimenti precisi a un’opera in particolare)
corroborano l’attacco frontale alla società contemporanea sferrato da Arlequin
in ogni suo intervento; critica che è alla base della dialettica
Parigi-campagna, su cui tanto si insiste, e che sfocia poi nel progetto di
fondazione della città ideale, di cui nel finale si dettano le regole di
convivenza. L’utopia di un luogo della convivenza perfetta, qui tratteggiato
con ironia e sarcasmo, anticipa la tematica di pièce posteriori, come l’Arlequin
sauvage o le varie Îles di Marivaux.
[16] Difficile non
pensare che la satira sull’ambiente dell’editoria non risenta dell’esperienza
personale del curatore della raccolta. D’altronde, i titoli citati (tutti
parodici, senza tuttavia riferimenti precisi a un’opera in particolare)
corroborano l’attacco frontale alla società contemporanea sferrato da Arlequin
in ogni suo intervento; critica che è alla base della dialettica
Parigi-campagna, su cui tanto si insiste, e che sfocia poi nel progetto di
fondazione della città ideale, di cui nel finale si dettano le regole di
convivenza. L’utopia di un luogo della convivenza perfetta, qui tratteggiato
con ironia e sarcasmo, anticipa la tematica di pièce posteriori, come l’Arlequin
sauvage o le varie Îles di Marivaux.
[17] Relation
véritable: il titolo è una chiara parodia di altri interminabili
in voga all’epoca, coniati per trattati e relazioni sulle materie più diverse
(per citarne solo alcuni come esempio indicativo di una prassi: Relation
véritable de ce qui s’est passé au royaume de Sophie, depuis les
troubles excitez par la rhétorique et l’éloquence, Relation
véritable de ce qui s’est passé à la
prise de la ville de Harfleur
près de Le Havre par l’Armée de Monseigneur le Duc de Longueville ensemble la liste de tous les Officiers de son armée, o ancora Relation véritable, des choses les plus mémorables passées en
la Basse-Guienne depuis le siège de Fontarabie, qui fut en l’an 1638, et
particulièrement des désordres et troubles arrivés aux sièges de Saint-Sever,
Tartas, Ax ou Dax depuis ledit jour).
¨ la sanglante défaite des
Anciens pas les Modernes: se l’opposizione fra partigiani dell’imitazione
e dell’emancipazione rispetto alla cultura classica è questione di attualità da
sempre, almeno dai tempi di Petrarca, la vera e propria querelle conosce il suo apice in Francia nel XVII e XVIII secolo,
allorché due schieramenti si scontrano sui meriti rispettivi degli scrittori
dell’antichità e di quelli del regno di Luigi XIV. Già trita disputa, la
discussione si riaccende su stimolo di Charles Perrault, fautore dei Moderni (le Siècle de Louis le Grand, 1687; Parallèle des Anciens et des Modernes, 1688-1697),
tanto da investire negli anni seguenti tutti i campi dello scibile: filosofia,
letteratura, filologia, storia, arti, musica e politica. I sostenitori degli
Anciens, il cui capofila è Boileau, vedono la creazione letteraria come una
semplice imitazione degli autori classici, che avevano raggiunto una volta per
tutte la perfezione. Inutile dire che i loro avversari si battono per il
superamento di questa concezione. Dietro tale dibattito, apparentemente
soltanto di carattere artistico, si celano in realtà dinamiche di potere fra
membri di diverse accademie, che si contendono i favori del re.[17] Echi della querelle
risuonano in diverse opere celebri del tempo; ci limitiamo a citare Le malade imaginaire per l’interesse che
il rapporto fra gli Italiens e Molière riveste ai fini di questa analisi: qui
Angélique liquida in modo lapidario la questione, affermando «Les Anciens [...]
sont les Anciens, et nous sommes les gens de maintenant»[17] (II.6.19). Per quanto riguarda la Comédie-Italienne
e i suoi autori,
in occasione della prima querelle (in
particolare, delle satire pro e contro le donne), l’Hôtel de Bourgogne si
pronuncia senza ambiguità a favore dei moderni. Gli Italiens passano per
difensori di alcuni principi come il femminismo (anche se nell’Arlequin misanthrope la donna è travolta dalla carica di negatività che
investe la società nel suo insieme), il rifiuto del modello antico, la
confusione dei generi e il gusto dell’opera (si è già detto in quali temini
vada interpretata la parodia del genere e la satira contro alcuni dei suoi
esponenti)[17].
Il dibattito che opporrà Quinault a Racine e che dà adito a uno dei primi
scontri fra i due campi è indicativo delle rispettive posizioni dei due
schieramenti: il fatto che i partigiani di Corneille (Thomas e Fontenelle)
siano degli autori dell’Académie Royale de Musique conferma lo statuto di arte ‘moderna’
dell’opera.[17]
D’altronde la satira della Comédie-Italienne contro i rivali della
Comédie-Française va nella stessa direzione: gli Italiens, attraverso il
rovesciamento parodico della tragedia classica, condannano l’enfasi di un
teatro che la recitazione dei francesi relega nell’ambito di un’estetica ormai
superata. I detrattori dell’opera come Boileau, d’altronde, trovano negli
Italiens dei severi censori. ¨ maroufles: appellativo ingiurioso attribuito a persone corpulente e
grossolane.
[18] Topographie exacte: come già il
precedente, anche questo titolo e i seguenti riecheggiano opere di ambito
geografico-antropologico, trattati, vocabolari e compendi di moda al tempo; la
precisione scientifica dei termini impiegati contrasta visibilmente con la
futilità della materia trattata. ¨ mouches: piccolo lembo di taffetà nero, della grandezza dell’ala di
una mosca, che le donne mettono sul viso per far risaltare la luminosità dell’incarnato.
[19] Traduction des Instituts de Justinien en
langue vulgaire, pour le soulagement des magistrats qui n’entendent pas le
latin: dichiaratamente satirico, come i precedenti, questo titolo è un’allusione
scoperta all’ostentazione di competenza attraverso tecnicismi giuridici latini
dei professionisti del mestiere, esibizione troppe volte tesa a celare un’ignoranza
di fondo della materia, come tipicamente avviene per la figura del Dottore.
[20] jargonneur: che si esprime in modo
incomprensibile o insolito.
[21] rafle: qui, lancio dei dadi in cui si
ottengono gli stessi punti da tutti i dadi.
[22] quatre mores vêtus de gaze d’or: alla
meraviglia scenografica si aggiunge in questo caso lo spaesamento delle
componenti esotica ed erotica.
[23] coupeurs: giocatore di lanzichenetto.
[24] quinze et bisque: espressioni del gioco della pallacorda. ¨ la Vallée de Misère: un tempo a Parigi
era il mercato del pollame e della selvaggina.
[25] sainte n’y touche: ipocrita, che
esibisce in modo affettato semplicità e innocenza.
[26] endêvait: arrabbiarsi, indispettirsi per
qualcosa.
[27] Les eaux de Forges: Forges-les-Eaux è
una storica località termale della Normandia: Luigi XIII vi si recò nel 1633,
seguito dalla nipote, Mademoiselle de Montpensier, da Richelieu e da Anna d’Austria;
la corte reale aveva l’abitudine di recarvisi per le preziose proprietà
benefiche delle sue acque. Di conseguenza, il sito attira sempre più i
frequentatori che apprezzano la mondanità anche in villeggiatura, come la
borghesia che cerca di imitare la vita di corte. I soggiorni erano ritmati da
feste, spettacoli e giochi di ogni genere, soprattutto sotto Luigi XIV. Altri
ospiti illustri, seppur in epoche successive, Voltaire e Marivaux.
[28] aloi: nel contesto di riferimento il
termine assume l’accezione di valore, assommando in sé le nozioni di ‘qualità’
e ‘gusto’. Si tratta in realtà di un termine tecnico, il cui uso si diffonde a
partire dal 1685, momento che coincide con un parallelo impiego metaforico;
propriamente indica il titolo legale dell’oro e dell’argento.
[29] l’Opéra de Lyon: la caduta del teatro di
provincia fa allusione al sistema di privilegi allora vigente in Francia. In
due parole, all’inizio del regno di
Luigi XIV, cinque teatri ufficiali si affermano a Parigi: il Théâtre de
Bourgogne, il Théâtre du Marais, il Petit Bourbon, il Théâtre du Palais Royal e
l’Opéra, mentre al Jeux de Paume si assisteva alle rappresentazioni occasionali
delle compagnie itineranti. A seguito della morte di Molière e dei disordini in
seno alla sua troupe, il Théâtre du
Palais Royal è assegnato a Lully, che vi stabilisce l’Académie royale de
Musique. La compagnia di Molière raggiunge così quella del Théâtre du Marais
all’Hôtel Guénégaud. È nel 1680 che Luigi XIV firma a Charleville l’atto
fondatore della Comédie-Française, sala destinata ad accogliere, oltre agli
attori che già vi recitavano, le troupe del
théâtre Guénégaud, dell’Hôtel de Bourgogne. La Comédie-Française diventa così
la compagnia ufficiale del re e beneficia ormai di una sorta di monopolio
teatrale nella capitale. Un altro atto fondatore segna l’intervento di Luigi
XIV in ambito teatrale: nel 1669 il monarca fonda l’Académie royale de
Musique. Diretta dapprima da Perrin, è Lully
a raccoglierne il testimone. Contro questo sistema, fortemente penalizzante per
chi ne era escluso, si scaglia apertamente la satira degli Italiens, in questa
scena attraverso il personaggio di un maestro di danza dell’Opéra di Lione, in
piena rovina in quanto estranea alla rete di privilegi reali.
[30] grisettes: donne vestite di grigio.
Termine usato talvolta in modo dispregiativo per persone di sesso femminile di
bassa condizione sociale.
[31] I primi due
versi sono la trascrizione esatta di un’aria intonata da Cirene, re d’Assiria,
ne La Giocasta regina d’Armenia (I.12.2),
dramma di Giovanni Andrea Moniglia, con musica di Carlo Grossi (edizione
citata: Francesco Nicolini, Venezia, 1677). L’opera è forse stata scelta come
esempio paradigmatico della produzione barocca a carattere esotico, che si
distingue per la magnificenza degli allestimenti scenici. Un prototipo, dunque,
di spettacolarità nel teatro musicale di cui il nostro autore si prende gioco
nella persona della cantante. La componente visiva, elemento portante delle
messinscene operistiche assai di moda all’epoca, è peraltro rievocata in chiave
ironica dalla grandiosità effimera del palazzo, che è costruito in scena sotto
gli occhi del pubblico, per poi crollare rovinosamente in chiusura, a
testimoniare la precarietà della fortuna artistica dell’opera e dei suoi protagonisti,
ora osannati dal pubblico, ora dimenticati. L’effetto ricercato è amplificato
dalla parodia, che sovrappone nei primi due versi l’aria di trionfo del re
vittorioso a quella della cantante, fino al giorno precedente alloggiata in un
granaio, ora destinata a occupare un’abitazione fastosa, che si disfa sotto lo
sguardo meravigliato degli spettatori.
[32] Céladon: personaggio dell’Astrea, prototipo dell’innamorato
platonico. Il romanzo pastorale di Honoré d’Urfé non è certo evocato a caso: si
tratta di un’opera monumentale di più di cinquemila pagine, pubblicata in un
arco di tempo di quasi trent’anni, che ha avuto un successo straordinario a
livello europeo. Definito «le roman des romans», rappresenta il prototipo dell’opera
interminabile, dove le fila sono tenute dalla storia principale, costituita
dall’amore contrastato dei due giovani pastori, Astrea e Céladon. Al romanzo si
ispira l’omonima opera per musica in cinque atti (libretto di Jean de la
Fontaine e musica di Pascal Colasse), rappresentata il 28 novembre del 1691.¨ Cyrus: v. nota a I.2.33. ¨ custodicos: parola di origine latina per
guardiani.
[33] robins: epiteto denigratorio per uomo di
legge.
[34] rabat: ampia cravatta a pettorina
portata da magistrati, avvocati, professori di università e religiosi. ¨ plumet: giovane militare.
[35] chaconnes: danza lenta in tre tempi. ¨ rigodons: aria vivace in due
tempi, su cui si danzava.
[36] le Lulli de quatre-vingt seize: apice
della satira contro l’opera, questa scena prende di mira, non tanto Lully,
quanto i sedicenti eredi del maestro, oltre al sistema di privilegi (v. nota a
II.7.11) dal lui ottenuto ai danni degli altri teatri parigini nonché delle sale
operistiche di provincia (già evocata la rovina dell’Opéra di Lione in II.7.11,
cui si aggiunge qui quella di Rouen, alle battute 38 e 39). Il dialogo è un
concentrato di sarcasmo nei riguardi della vacuità dell’ambiente operistico,
frequentato da profittatori che mirano unicamente al loro utile, attirando il
pubblico con la magnificenza di uno spettacolo tanto grandioso quanto vuoto.
Prototipi di questo genere di professionisti, sono un maestro di danza e uno di
canto che offrono i loro servigi ad Arlequin, fondatore della città ideale. Ai
tributi di stima iniziali, tesi ad accattivarsi le grazie del filosofo, si sostituiscono inavvertitamente le invettive
scagliate dagli arrivisti, cui è stato opposto un rifiuto, in un rovesciamento
tanto repentino quanto violento, che nella sua continuità rende l’idea
dell’opportunismo come sentimento guida della condotta dei due visitatori e,
con loro, delle categorie sociali che questi rappresentano.
[37] Oriane: personaggio femminile,
protagonista della storia d’amore con Amadis, eroe di un romanzo-fiume
cavalleresco nonché dell’omonima tragedia in musica di Lully, messa in scena il
18 gennaio del 1684 con libretto di Philippe Quinault. L’opera, oltre ad aver
riscosso un notevole successo, era una delle predilette dal maestro.
Celeberrima l’ampia ciaccona del finale.
[38] Corisande: intrigo parallelo agli amori
di Amadis e Oriane quello fra Florestan e Corisande nel romanzo cavalleresco e
nell’opera citati nella nota precedente.
[39] détonner: cantare con voce chiassosa e
poco musicale.
[40] courante: danza in tre tempi, dal ritmo
vivace.
[41] d’eau douce: espressione che indica chi
non conosce bene il proprio mestiere, dal medico incapace che dispone come
unico rimedio dell’acqua dolce.
[42] le serain: umidità o aria fresca della sera, che si diffonde dopo una giornata di
bel tempo.
[43] petites
maisons: a Parigi vi era un
ospedale omonimo, in cui erano rinchiusi i malati di mente.
[44] se serait tenu en carrosse: in un’epoca in cui si accorda un’importanza
centrale alle manifestazioni esteriori di ricchezza, si fa strada la moda delle
espressioni facenti riferimento ai beni di cui si dispone per indicare il rango
sociale di appartenenza e, di conseguenza, lo stato di un individuo. Di qui
l’impiego di modi di dire quali appunto se
tenir en carrosse o avoir carrosse,
che significano avere ricchezza e reputazione. Così pure va letto il
riferimento di III.IX.9.
[45] in folio: fra i vari ambiti che vivono
una diffusione e un volgarizzamento del lessico tecnico spicca l’editoria: la
moda delle riviste e dei periodici è all’origine dell’estensione del
vocabolario legato all’abito della stampa.
[46] de
bon air: ‘être de bon air’ è seguire la moda della corte. ¨ juré: che ha prestato giuramento accedendo
alla laurea.
[47] chalands: l’uso del termine in questo
contesto è indicativo del processo di estensione dell’impiego di un lessico
mercantile al linguaggio galante. In questo caso, il sostantivo appartiene al
vecchio vocabolario commerciale, nel cui ambito significava ‘chiatta’.
[48] cache-mitoulas: gioco che consiste nel
nascondere fra le mani o nei vestiti di qualcuno della compagnia un oggetto che
un terzo deve indovinare. ¨ colin-maillard: gioco da bambini in cui si benda uno del gruppo,
che deve cercare di afferrare a tastoni uno dei compagni perché prenda il suo
posto.
[49] Steinkerque: cravatta che fa la sua
apparizione all’epoca dell’omonima battaglia delle Fiandre. Dopo aver fatto un
nodo semplice, uno dei lembi è fatto passare nell’asola. Curiosamente in questo
periodo si affermano due tendenze opposte nell’evoluzione della moda: da una
parte la fascinazione per l’ambito militare, come appunto testimonia l’adozione
della steinkerque e di simili capi d’abbigliamento; dall’altra il petit-maître mondano non nasconde un
lato effeminato nella sua maniera di vestirsi (come si era già potuto notare in
II.1.9).
[50] carrés: cofanetto in cui le donne
mettevano i loro pettini e accessori di bellezza.
[51] Tarare: interiezione tipica del linguaggio familiare a indicare scetticismo e
indifferenza.
[52] épices: in origine, dolciumi destinati
ai giudici dopo una sentenza; successivamente, per traslato, denaro.
[53] dégaine: goffaggine.
[54] poupines: di viso e proporzioni
graziose. ¨ musquées:
in senso figurato, moralmente lusinghiero.
[55] débit: smercio.
[56] pièce: moneta d’oro o d’argento, di
maggior valore se nuova in quanto non consumata e, quindi, più pesante.
[57] boutre: in piccardo, nel registro
familiare, equivale a mettere.
[58] guenillon: vecchio lembo di panno o di
stoffa.
[59] Que toute charge s’abolisse: ancora una
volta, sul modello del romanzo monumentale di Mademoiselle de Scudery, con le
sue «Douze tables des lois d’amour», si parodizza nel finale la moda dei testi
che dettano precetti di comportamento, come già Molière ne L’école des femmes (III.2.2).[59]
Rispetto a quest’ultimo, nella lista di precetti destinati a reggere la
comunità ideale istituita dal filosofo l’Arlequin
misanthrope riprende i temi dell’infedeltà
e della vanità femminile, cui si accompagna la critica alla mondanità e all’amoralità
dei tempi. Non si può, tuttavia, parlare di una ripresa diretta ed esplicita
del precedente molieriano.
[60] Chaudray: frazione del comune di
Villers-en Arthies, conosciuta per la dinastia degli Ozanne, famiglia di
pastori, dediti a una forma di medicina empirica, fondata sull’utilizzo di
piante curative. Capostipite, Christophe (nato nel 1633) si dà alla scienza
medica senza alcuna formazione specifica; la sua fama giunge sino alla capitale
sul finire del XVII secolo, tanto che Florent Carton detto Dancourt gli dedica
una pièce, rappresentata nel 1698, il
cui titolo riprende la formula con cui l’asceta-guaritore era ormai
unanimemente identificato, Le médecin de
Chaudray. A Christophe farà seguito una dinastia di nipoti, che
prolungheranno la sua fama sino all’inizio del XIX secolo.
[61] brelandières: termine dispregiativo per
designare chi è solito giocare a carte. ¨ lansquenets: gioco di carte.
[62] roupies: goccia che cola dal naso.
[63] petits collets: espressione che designa
il devoto, chi porta piccoli colletti in opposizione a chi ne sfoggia in
società di ornati e vistosi.
[64] courtaut: piccolo e tarchiato.
[65] Quella parigina di Henry Lambin e quella stampata
ad Amsterdam da Adrian Braakman, entrambe del 1697.
[66] Per la polemica
editoriale legata alla pubblicazione di Gherardi, si rimanda all’Avertissement, in TI 1700, I, pp. XII-XIII.
[67] Si rimanda per
ulteriori dettagli al Commento.